Depuis le début de l’année, cinq cas d’intoxications graves à la codéine, absorbée à des fins « récréatives » par des jeunes, ont été signalés à l’ANSM. Parmi eux, deux adolescents en sont décédés par arrêt cardio-vasculaire. Tous ont abusé de ces antalgiques codéinés qui pour certains sont en vente libre en pharmacie et ne coûtent que quelques euros.
Aujourd’hui, 250 spécialités contenant de la codéine sont commercialisées. La plupart sont délivrés sur ordonnance. Selon les précisions du Dr Nathalie Richard, directrice adjointe de la direction à l'ANSM (en charge des médicament en neurologie, psychiatrie, anesthésie, antalgie, ophtalmologie, stupéfiants psychotrope et médicaments des addictions), le fait qu’un médicament contenant de la codéine soit en vente libre dépend de la dose remise au public : « la codéine ne doit pas excéder 300 mg par boîte et 20 mg par prise. Ce sont les deux conditions pour que le médicament puisse être vendu sans ordonnance. » Ces molécules sont très consommées puisque 22 millions de boîtes de doliprane-codéiné ont été dispensées en vente libre en 2015, contre 36 millions de boîtes sur ordonnances dans la même année. « Les chiffres varient peu d’une année sur l’autre », précise le Dr Richard. En 2014 et en 2015, pas moins de 40 millions de boîtes ont été vendues au total.
L’ANSM se dit « particulièrement préoccupée » par ce détournement de médicaments codéinés. Il s’agit d’un phénomène récent qui touche une population particulière de préadolescents et d’adolescents ou de jeunes majeurs, sans histoire de toxicomanie, sensibles aux phénomènes de modes qui circulent sur les réseaux sociaux. Le « purple drank », boisson promue par des groupes de rap américains est composé de sirops à base de codéine, de prométhazine et de soda. Très prisé par les ados, le « purple drank » a fait l’objet d’une alerte de l’ANSM en mars 2016 suite à l’augmentation de nombre de signalements auprès de son réseau d’addictovigilance depuis 2013.
Chez les adultes, la dépendance à la toxicomanie n’est pas nouvelle. Entre janvier 2007 et décembre 2016, ce sont 439 notifications d'abus de codéine à usage récréatif qui ont été rapportées à l’ANSM. Et parmi eux, « 3 % à 4 % étaient âgés de moins de 19 ans », selon le Dr Richard.
L’autre problème qui préoccupe énormément l’ANSM, c’est le risque majeur d’intoxication au paracétamol qui accompagne l’abus de codéine quand la molécule absorbée à des fins récréatives est un paracétamol codéiné qui peut contenir 400 mg d’antalgique pour 20 mg du dérivé morphinique. Le risque de défaillance hépatique aiguë peut alors être majeur et venir compliquer le péril cardio-respiratoire.
Dans ce contexte, compte tenu de la population concernée et du nombre de cas graves et de décès, l’ANSM envisage de prendre très vite des mesures réglementaires de dispensation et de délivrance des médicaments contenant de la codéine, tout en ne pénalisant pas les malades qui ont besoin de ces produits. La mère d'une jeune fille de 16 ans décédée début mai d'une overdose de codéine, interrogée vendredi par Le Parisien, a lancé une pétition sur internet pour interdire la vente de cette substance sans ordonnance, qui a recueilli environ 900 signatures en trois semaines.
Si la France est encore loin du niveau d’addiction qui touche les États-Unis, le Dr Richard assure que l'ANSM « renforce sa surveillance en addictovigilance pour ne pas arriver au niveau américain ».
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