En décembre 2018, l'ANSM a donné son feu vert pour l'expérimentation du cannabis thérapeutique en France dans les douleurs réfractaires, certaines épilepsies pharmacorésistantes, la spasticité douloureuse de la sclérose en plaques et dans le cadre des soins de support en oncologie et des soins palliatifs.
Quelles seront les modalités de cette expérimentation ? Après avoir entendu patients, médecins et pharmaciens, le comité d'experts chargé d'en définir les contours a auditionné mercredi les acteurs étrangers de ce marché en pleine expansion.
Au fil des auditions menées depuis janvier, les membres du comité mis en place par l'Agence du médicament ont pu mesurer les attentes autour de leur futur avis, prévu fin juin, mais aussi de la complexité des questions auxquelles ils doivent répondre.
Il s'agit en effet de traiter le cannabis thérapeutique comme un "nouveau médicament" en dépit de son statut particulier de préparation à base de plantes, dans un domaine en pleine expérimentation où les preuves d'efficacité ne sont pas encore toujours établies.
Il faut également répondre à l'impatience des patients, qui veulent disposer d'un produit sûr et à la qualité constante, tout en tenant compte de la diversité de leurs besoins et des craintes de certains médecins d'envoyer un "signal" de laxisme envers l'usage récréatif du cannabis.
Prescription réservée ou élargie ?
Le principal enjeu est donc de savoir si les 13 experts, avec à leur tête le psychiatre et pharmacologue Nicolas Authier, recommanderont une expérimentation largement ouverte ou plus restreinte.
En avril, les auditions portant sur le cadre de prescription avaient fait émerger le souhait des associations de patients d'une mise à disposition la plus large possible, permettant notamment aux médecins généralistes de prescrire du cannabis thérapeutique et pas seulement aux spécialistes. L'analyse des expériences dans les pays étrangers montre que « plus ils cadrent l'utilisation, plus il y a une adhésion des professionnels de santé à le prescrire », souligne toutefois Nathalie Richard, directrice adjointe des antalgiques et des stupéfiants à l'ANSM. Elle cite l'expérience du Canada où les prescriptions ne décollaient pas au départ, car aucune instruction n'était disponible pour les médecins. « Maintenant que c'est plus cadré, ça marche mieux », assure-t-elle.
Inversement, les représentantes du producteur canadien Tilray, auditionnées mercredi, ont mis en garde contre un régime trop strict : en Australie et au Royaume-Uni, où le cannabis thérapeutique devait dans un premier temps faire l'objet d'une autorisation nominative d'utilisation pour chaque patient pour être importé, cela s'est traduit par des coûts et des délais très importants pour les malades.
Quels produits autoriser ?
Le représentant d'une autre société canadienne, Canopy Growth, a aussi plaidé pour qu'un « large portefeuille » de produits soit autorisé d'emblée, afin de « couvrir les besoins divers des patients » : selon les pathologies et les symptômes, certains vont se tourner plutôt vers les fleurs séchées en inhalation, qui ont un effet rapide, tandis que d'autres préféreront les huiles ou les extraits en gélules, d'action plus lente. Rappelons que les experts ont d'ores et déjà exclu « la voie d'administration fumée », compte tenu des risques de la combustion pour la santé, tout aussi cancérigènes que le tabac.
Le champ géographique reste aussi à définir : France entière ou seulement certaines régions, comme cela avait été le cas pour l'expérimentation de la vaccination en pharmacie.
Avant de rendre son avis, le comité mènera une dernière série d'auditions le 26 juin, pour entendre les potentiels acteurs français de cette filière.
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