« En 2017-2018, je me suis rendu compte qu’une part importante de nos patients était constituée de soignants », explique le Dr Clément Duret, médecin du travail et initiateur de l’Hôpital de jour de Garches situé au centre hospitalier Raymond Poincaré, dans les Hauts-de-Seine. L’histoire remonte à 2005 lorsqu’il commence à s’occuper des consultations dédiées à la souffrance au travail. Face à l’augmentation des cas, en 2021, il œuvre pour créer l’Hôpital de jour (HDJ) de Garches, spécialisé dans les cas de burn-out, notamment chez les soignants, et met en place un dispositif d’évaluation et d’intervention pluridisciplinaire, nommé ETAPE. Il est associé à une intervention collective afin d’améliorer la prise en charge globale de l’individu, réduire la durée de souffrance et faciliter les parcours professionnels.
Cette unité composée de huit personnes, accueille une centaine de patients par an, dont la moitié de soignants et parmi eux un tiers de médecins. Selon l’Observatoire Odoxa-MNH sur l’état de santé des soignants et des personnels hospitaliers (étude publiée en novembre 2024), 58 % des médecins déclarent avoir été affectés par un problème de santé mentale (dépression, burn-out, pensée suicidaire…). À l’HDJ de Garches, dans le cadre du dispositif ETAPE, l’examen est réalisé en une journée avec un timing précis. Cela permet de simplifier l’organisation et de permettre une progression rapide du patient dans sa compréhension et son acceptation de la situation.
Plusieurs étapes rythment cette journée de consultations
La matinée est consacrée à trois entretiens individuels avec un psychiatre, un psychologue clinicien et un médecin du travail. Le premier évalue la sémiologie, discute des modalités de prise en charge et aborde éventuellement la nécessité d’un arrêt de travail. Le psychologue clinicien explore le fonctionnement individuel du soignant à travers des tests psychométriques pour identifier des facteurs de risque, tels qu’une forte abnégation ou des exigences élevées. Enfin le médecin du travail examine les liens entre la santé psychique et le travail, identifiant à la fois les aspects délétères et les circonstances favorables. Il propose également des pistes médico-administratives adaptées. Chaque patient bénéficie d’une orientation individualisée et, selon les besoins, d’un suivi psychologique au sein de l’unité. Une réévaluation six mois après le passage permet de mesurer les évolutions.
L’après-midi est dédiée à une séance de psychoéducation où les soignants sont sensibilisés aux mécanismes du burn-out et aux solutions pour « s’en sortir » plus rapidement. Le Dr Duret précise : « Ce dispositif est d’autant plus pertinent qu’il s’adresse à des professionnels de santé, souvent moins enclins à demander de l’aide, et les résultats s’avèrent encourageants. »
Une étude menée entre mai 2021 et septembre 2023 sur 86 soignants a évalué ce protocole de soins et démontré ses bénéfices. L’équipe du Dr Duret présente ce samedi 14 décembre leur étude au congrès de l’AFTCC (Association française de thérapie comportementale et cognitive). Cette analyse évalue les niveaux de sévérité de l’épuisement professionnel (CBI), d’anxiété (GAD-7), de dépression (PHQ-9), d’estime de soi (RSE), la présence de schémas précoces inadaptés (SYQ-S3) et le degré de résilience (BRS). « Une intervention brève et ciblée comme celle-ci entraîne une diminution significative des symptômes », précise le Dr Duret. 60 % des patients ont dû s’arrêter plus d’un an pour se remettre, et 35 % ont eu des arrêts supérieurs à deux ans.
Les médecins viennent souvent trop tard, ce qui accroît les risques de cassure de carrière
Dr Clément Ducret
Malgré ces résultats positifs, le Dr Duret regrette que l’Hôpital de jour de Garches soit encore trop méconnu. « Les soignants qui viennent nous consulter ont souvent découvert l’information soit seuls, soit via un proche ou un médecin du travail avertis, observe-t-il. Les médecins hospitaliers sont les plus représentés. Les professionnels en libéral, souvent moins suivis, et restent plus difficiles à atteindre ». Et bien sûr l’équipe s’est concentrée sur la population francilienne de par sa situation géographique.
Informer les soignants et les convaincre qu’ils ont besoin d’aide demeure le principal défi de cette équipe qui tourne presque à capacité maximale. « Les médecins viennent souvent trop tard, ce qui accroît les risques de cassure de carrière. Plus on attend, plus les conséquences sont graves, aussi bien pour l’individu que pour le collectif. Le départ d’un médecin a un impact sur toute l’unité » signale aussi le Dr Clément Duret en guise d’alerte.
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