Le Généraliste. Doit-on craindre une pandémie ?
Pr Jean-François Delfraissy. C’est une épidémie grave et très active qui sévit en Afrique de l’Ouest, avec un taux de mortalité de 55 %. Mais on dispose de peu d’arguments à ce jour pour penser qu’elle se transforme en pandémie. Le virus Ebola est un filovirus qui a la particularité d’être peu ou pas contagieux pendant sa période d’incubation de 2 à 20 jours. La transmission interhumaine est maximale dans un second temps, quand le virus se réplique activement, c’est-à-dire à l’apparition des premiers symptômes : céphalées, fébricule, myalgies intenses, diarrhée… Le virus Ebola présente donc l’avantage de se signaler cliniquement au moment où la contagiosité est la plus forte. La troisième phase, celle des diarrhées sanglantes, des hémorragies, de la déshydratation est éminemment contagieuse et le décès peut survenir en quelques jours par défaillance multiviscérale. Au final, le virus Ebola est moins contagieux que le SRAS, par exemple. On contracte Ebola par contact avec les sécrétions des malades.
De multiples médicaments candidats sont annoncés et semblent être déjà testés. Lesquels ont véritablement
une chance d’être efficaces ?
Pr J.F.D. Cette épidémie a pris de cours les scientifiques du monde entier… Bien qu’à ce jour, on ne dispose d’aucun traitement spécifique, plusieurs stratégies thérapeutiques – également objets de recherche – sont mises en place. Deux types d’approche sont privilégiés : les anticorps et les antiviraux. Le fameux ZMapp, un cocktail d’anticorps monoclonaux neutralisants, a déjà été administré à 9 patients dont seuls 6 ont survécu. Et on ne dispose que de très peu de doses car ils sont difficiles à fabriquer par biotechnologie. Une autre stratégie qui a la faveur de l’OMS repose sur la sérothérapie par perfusion de sérums de convalescents. Cette approche est aussi privilégiée par les états africains car elle est simple et elle leur permet d’avoir un rôle actif dans cette épidémie.
Mais, à mon sens, c’est une fausse bonne idée car les banques de sang africaines ne sont pas dotées des conditions de sécurité transfusionnelle optimales et il ne faudra pas transmettre le VIH ou l’hépatite sous prétexte qu’on traite Ebola. Des antiviraux sont en lice, l’un repose sur des ARN synthétiques (siRNA) qui produisent des protéines capables d’inhiber la réplication du virus. Mais, là encore, on dispose de peu de doses, et seulement administrables par voie sous-cutanée, donc risquée en Afrique. L’autre, le plus prometteur à mon avis, est un antiviral produit par une firme japonaise. Initialement conçue pour lutter conte les formes graves de grippe, cette molécule testée en phase III en Europe, est efficace contre le virus Ebola in vitro et induit peu d’effets indésirables. Plus de 10 000 doses sont disponibles. C’est l’antiviral que les chercheurs français vont proposer en Guinée.
La vaccination a-t-elle une chance d’aboutir ?
Pr J.F.D. Nous n’avons, à ce jour, que des candidats vaccins. Parmi eux, celui de GSK, développé avec l’US Army et le NIH au titre de la lutte anti-terroriste d’origine biologique, a été administré ce mardi pour la première fois à un homme aux États-Unis pour tester son innocuité. 20 autres sujets vont le recevoir aux États-Unis, 30 en Angleterre, 20 au Mali et 15 en Gambie. Il est urgent pour la protection sur place du personnel soignant d’avoir un vaccin. Plus de 7 % des soignants en sont morts, on n’a jamais vu ça dans quelque lutte anti-infectieuse que ce soit.
À quel terme peut-on espérer une solution à cette épidémie ?
Pr J.F.D. Le virus Ebola est implanté en Afrique pour plusieurs mois. On peut s’attendre à ce qu’il s’étende à d’autres pays d’Afrique de l’Ouest. Les projections les plus pessimistes tablent sur 60 000 cas, voire 100 000 cas. On espère un vaccin efficace pour février 2015 et des traitements pour la fin d’année.
Doit-on craindre des cas d’infection sur le territoire français ?
Pr J.F.D. Il y aura inévitablement des cas importés en France, voire des décès. Le premier diagnostic a toutes les chances d’être posé en soins primaires. Aujourd’hui, devant un patient fiévreux, diarrhéique et algique, la première question à lui poser est celle d’un éventuel séjour dans une zone à risque ou, à un moindre degré, d’une proximité avec un sujet y ayant séjourné. Et en cas de réponse positive, téléphoner au 15 pour une prise en charge adaptée. Je suis sûr que la performance de notre système de santé est à même d’enrayer tout risque épidémique sur notre territoire.
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation