La plupart des recommandations internationales ont intégré les inhibiteurs de SGLT2 (iSGLT2 ou gliflozines) dans la stratégie thérapeutique du diabète de type 2 pour leur effet cardio et réno-protecteur. Mais en France, la HAS vient à nouveau de leur fermer la porte en revoyant à la baisse le SMR de l’empagliflozine, pour des raisons de sécurité notamment.
Parfaitement consciente des potentiels effets délétères de ces antidiabétiques, la Société Francophone du Diabète contre-attaque en publiant une prise de position officielle. Présenté lors de son récent congrès annuel (Marseille 26-29 mars), ce document réaffirme l’intérêt des gliflozines et demande leur mise à disposition.
Une protection cardiaque et rénale reconnue
Comme tout nouvel antidiabétique, les iSGLT2 ont fait l’objet d’études de sécurité cardiovasculaires. Ces essais (EMPA-REG OUTCOME pour l’empagliflozine, CANVAS pour la canagliflozine et DECLARE-TIMI 58 pour la dapagliflozine) ont non seulement démontré leur innocuité sur ce plan mais aussi leur supériorité sur les événements cardiovasculaires majeurs (critères MACE) ainsi que sur les hospitalisations pour insuffisance cardiaque (IC) et la fonction rénale.
"Ces effets protecteurs cardiovasculaires et rénaux ont été confirmés dans de nombreuses études observationnelles dans diverses populations" souligne le Pr Patrice Darmon (Marseille). Une méta-analyse des 3 grands essais menés chez plus de 34 000 patients dont 60 % en prévention secondaire met en évidence une réduction des MACE de 14 % (uniquement en prévention secondaire), des hospitalisations pour insuffisance cardiaque et de la mortalité cardiovasculaire de 21 % en prévention primaire et 29 % en prévention secondaire et d'une diminution des complications rénales de l'ordre 45 %. " Or ces complications cardiaques et rénales constituent un problème de santé publique majeur en terme de pronostic vital, de qualité de vie et de coût de prise en charge" souligne le diabétologue.
Ces données ont amené de nombreuses sociétés savantes à modifier leurs recommandations pour adopter un algorithme centré sur le profil clinique des patients. Ainsi du récent consensus ADA/EASD de 2018 qui consacre une place préférentielle aux iSGLT2 en cas de pathologie cardiaque ou rénale en alternative aux agonistes du GLP1.
Des alertes sur la tolérance
Côté tolérance, certains effets secondaires ont émergé des essais randomisés, des registres observationnels et des rapports de pharmacovigilance. Toutes les études montrent un risque d'infections génitales multiplié par 3 à 6, à prédominance féminine, celui d'infections urinaires est inconstamment retrouvé. La déplétion volémique peut survenir surtout en début de traitement avec des hypotensions orthostatiques chez les sujets âgés sous diurétiques. Un petit sur-risque de fractures a été uniquement observé avec la canaglifozine mais est à confirmer. Le risque d'acidocétose existe mais il est rare (<1 pour 1000 patients années); il est atypique car la glycémie est généralement normale ou peu augmentée, et il se retrouve toujours dans des situations à risque (périopératoire, sepsis, insulinopénie...etc).
Le risque d'amputation est inconstant et paraît associé surtout à la canaglifozine, mais il reste à préciser s'il s'agit d'un effet classe ou molécule. Quelques cas de gangrène de Fournier (fasciite nécrosante du périnée) ont été déclarés, potentiellement très graves et sont à confirmer.
Deux points de vue très opposés
Considérant ces nouvelles données de tolérance, et en particulier les warning sur le risque d'amputation, de gangrène de Fournier et d'acido-cétose, la commission de la transparence de la HAS s'est montrée plutôt sévère lors de la récente réévaluation de l’empagliflozine. Estimant que sa prescription pourrait constituer "une perte de chance pour les patients", les experts ont jugé que cet antidiabétique "n’avait plus sa place dans la stratégie thérapeutique du diabète de type 2 " et lui ont attribué un SMR insuffisant, fermant la porte à tout remboursement.
Une interprétation des faits très différente de celle qu'en fait la SFD ! "Malgré ces effets secondaires, le rapport bénéfice/risque reste hautement en faveur des ISGLT2, estime le Pr Darmon. Il faut informer les patients et les médecins, inclure ce risque dans les RCP et poursuivre la pharmacovigilance au long cours mais les effets indésirables ne devraient pas priver les patients français à haut risque cardiovasculaire ou rénal de cette nouvelle option thérapeutique. Ce serait une réelle perte de chance pour eux".
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