Dépistage du cancer du sein

La surveillance mammaire, même après 74 ans

Publié le 05/04/2019
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Sous prétexte d’être “trop vieilles” pour le dépistage organisé du cancer du sein, beaucoup de femmes de plus de 74 ans sont laissées sans surveillance mammaire. à tort, regrette le Collège national des gynécologues et obstétriciens français, qui appelle à poursuivre la palpation voire la mammographie.
surveillance mammaire

surveillance mammaire
Crédit photo : SPL/PHANIE

Alors que 24 % des cancers du sein et 48 % des décès touchent des femmes de plus de 74 ans, le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) lance une campagne pour mobiliser les professionnels de santé sur l’importance de la surveillance mammaire dans cette population. « à 74 ans, les femmes sortent du dispositif de dépistage organisé du cancer du sein sans qu’on leur donne d’informations précises ou de courrier explicatif. Pourtant, le risque reste présent », souligne le Pr Jean-Yves Seror (Paris), qui appelle à ne pas baisser la garde.

Le jeu en vaut la chandelle, car les cancers du sein des femmes âgées présentent des caractéristiques histologiques plus favorables que ceux des femmes plus jeunes : carcinomes de bas grade, récepteurs hormonaux positifs, absence d’expression ou d’amplification de HER2. Ainsi, comme le rappelle le Pr Jean-Yves Seror (Paris), « ces pathologies sont a priori de bon pronostic, à condition de les prendre à temps, ce qui suppose de ne pas les laisser s’installer. Or, il n’est pas rare que l’on diagnostique des tumeurs très évoluées, de 3 à 5 cm, alors que les appareils de mammographie et d’échographie permettent des diagnostics de lésions de très petite taille ».

D’après une étude menée dans la région bordelaise entre 2008 et 2010, seules 4,3 % des tumeurs du sein des plus de 75 ans seraient diagnostiquées à l’occasion d’un examen clinique systématique mené par le médecin traitant. Dans 58 % des cas, les anomalies sont découvertes par la patiente elle-même et dans 15 % des cas par l’infirmière ou l’auxiliaire de vie. Dans 20 % des cas, c’est une mammographie réalisée dans le cadre d’un dépistage individuel qui permet le diagnostic.

Le rôle clé du généraliste dans le suivi

Pour le Pr Seror, « inciter les femmes à l’auto-palpation et palper régulièrement les seins doivent faire partie des missions de suivi des femmes âgées par les généralistes. C’est aussi à eux que revient le rôle de dialogue sur l’intérêt du dépistage individuel par mammographie. L’âge physiologique doit rester au premier plan dans la prescription d’une mammographie après 74 ans ». 

Avec l’âge, la densité des seins diminue, le risque de faux positifs à la mammographie est donc limité. « L’intérêt d’une double lecture – comme c’est le cas dans le dépistage organisé – n’est donc plus de mise », analyse le Pr Carole Mathelin (Strasbourg).

Dans cette tranche d’âge, le dépistage organisé n’a pas démontré son intérêt. « Mais ce n’est pas seulement en raison des particularités histologiques des seins, c’est aussi parce que l’âge physiologique doit être pris en compte : il n’est pas licite de proposer à des femmes atteintes de pathologies évoluées un dépistage qui ne sera pas suivi d’un traitement spécifique. »

Le cas échéant, quel traitement proposer chez les plus de 74 ans ? À tout âge, il « sera calqué sur celui des femmes les plus jeunes en prenant en compte l’état physiologique de la patiente. Un avis gériatrique ou onco-gériatrique est parfois nécessaire, explique le Pr Marc Espié (Paris). L’approche chirurgicale est toujours indiquée – en l’absence de contre-indications liées à l’état physiologique – et son efficacité semble similaire à tout âge (tumorectomie avec prélèvement du ganglion sentinelle). »

Une radiothérapie est proposée pour les tumeurs de moins de 3 cm, c’est à dire celles qui ont été diagnostiquées précocement. « Les nouvelles techniques de radiologie interventionnelle sous anesthésie locale (cryothérapie, laser, ultrasons) sont parfaitement adaptées aux patientes âgées inopérables sous anesthésie générale et qui présentent des tumeurs localisées », ajoute le Pr Seror.

La longévité des femmes âgées menacée

Alors qu’aujourd’hui, la survie à 5 ans des femmes de plus de 74 ans atteintes de cancer du sein est en moyenne de 76 % en France contre 86 % aux états-Unis, la mise en place de mesures de surveillance pourrait permettre de maximiser les chances de survie. Cette question est d’autant plus d’actualité qu’en 2040, on estime que 26 000 des 62 000 cancers du sein diagnostiqués concerneront les plus de 70 ans en France. Sans mobilisation, l’impact de ces tumeurs sur l’espérance de vie pourrait se traduire négativement alors qu’en moyenne, l’espérance de vie des françaises à 80 ans reste de 10,9 ans.

 

Dr Isabelle Catala

Source : lequotidiendumedecin.fr