Albion n’est pas satisfaite de voir les médecins français dénommer « fièvre de Malte » l’infection connue encore sous les noms de fièvre méditerranéenne ou de fièvre ondulante. C’est ce qui ressort de la lettre de l’ambassadeur d’Angleterre au ministre des Affaires étrangères communiquée à l’Académie de médecine par le ministre de l’Instruction publique. Cette missive déclare en effet inexacte cette appellation de « fièvre de Malte ».
Susceptibilité nationale ? Je ne ferai pas un seul instant à nos voisins d’Outre-Manche l’injure d’attribuer cette réclamation à un froissement d’amour-propre. Questions d’intérêts financiers. C’est plus vraisemblable car l’interdiction de l’importation des chèvres de Malte en France, en Algérie et Tunisie a été prononcée depuis 1887 par un arrêté du ministre de l’Agriculture, des gouverneurs généraux d’Algérie et de Tunisie en 1908 et 1909. Je ne chercherai d’ailleurs pas à approfondir les raisons graves qui ont déterminé cette démarche, certes bien inattendue.
Sans nul doute, la fièvre maltaise sévissait sur les rives de la Méditerranée avant d’avoir reçu ce nom. Où a-t-elle débuté ? On l’ignore. Il n’en reste pas moins que c’est à Malte qu’elle s’est montrée avec prédilection ; c’est à Malte que la Mediterranean fever commission l’a étudiée ; c’est à Malte que Bruce a découvert l’agent pathogène, le « microcoque maltais » (Micrococcus melitensis), germe spécifique de la « fièvre de Malte » (Note on the discovery of a microorganism in Malta fever, Practioner, 1887, p. 161). Autant de raisons qui autorisaient l’étiquette, adoptée autrefois par les médecins anglais eux-mêmes, reniée aujourd’hui par leurs gouvernants.
Par courtoisie, l’Académie de médecine leur donnera peut-être satisfaction, mais il est à craindre qu’une telle décision « officielle » soit impuissante contre un usage déjà entré dans les mœurs médicales. L’usage n’a-t-il pas force de loi ?
(C. Dopter, Paris médical, 1911)
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