Quel bilan de santé peut-on dresser des biotechs ?
Elles vont plutôt bien. Il y a vingt ans, les produits biologiques représentaient moins de la moitié des produits mis sur le marché par l’industrie pharmaceutique. Aujourd’hui, le pourcentage s’élève entre 75 et 80 %. Les biotechs sont devenues le partenaire symbiotique de l’industrie qui a réduit de manière significative ses capacités de recherche. Cette stratégie lui permet d’acquérir l’innovation là où elle se trouve. Genset que nous avons accompagnée a été la première entreprise à avoir été introduite sur le nouveau marché en 1996. Aujourd’hui on peut parler d’une industrie. Les marqueurs en sont par exemple le nombre de biotechs sur le marché Euronext à Paris. Aujourd’hui, on en recense une centaine. La capitalisation boursière serait de l’ordre de 20 à 25 milliards d’euros. En Europe, 20 sociétés dépassent 1 milliard de capitalisation en Europe. C’est encore microscopique lorsque l’on compare aux États-Unis. Sofinnova a été par exemple investisseur fondateur de Genentech, Biogen, Chiron. Nous nous inscrivons dans le temps long dans une perspective transatlantique. La France compte quelques pépites comme Cellectis par exemple que nous ne comptons pas dans notre portefeuille. Il nous reste toutefois beaucoup de chemin à faire.
Le plafond de survalorisation pour les biotechs n’est-il pas atteint ?
Il faut analyser sur le long terme. Lorsque Gilead a racheté pharmasset 11 milliards de dollars, la somme paraissait déraisonnable. Force est de constater alors que le sofosbuvir est devenu l’un des produits leaders de l’industrie, d'où la pertinence de la transaction. Il y a vingt ans, le montant classique d’un premier tour de table aux États-Unis s’élevait à 20 millions de dollars. Il atteint aujourd’hui plutôt 80, voire 100 millions. Ce qui conduit les investisseurs à s’intéresser aux biotechs européennes et françaises.
Faut-il parler de frilosité des Agences françaises de régulation face à l’innovation ?
Le scandale des prothèses mammaires PIP a exercé un impact majeur sur la manière d’appréhender l’innovation thérapeutique. La nouvelle directive européenne autour du marquage CE en est une conséquence. Auparavant, on testait les produits d’instrumentation médicale en Europe. Des patients américains n’hésitaient pas à traverser l’Atlantique pour bénéficier d’innovations. Aujourd’hui la situation est inversée. Les essais précoces sont menés aux États-Unis, en Chine. Les patients européens au sein des pays de l’OCDE seront peut-être les derniers à accéder aux plus récents progrès. Le traitement prescrit par le régulateur ne doit pas être pire que la maladie…
Faut-il avoir peur de la Chine ?
Nous avons des investisseurs chinois. Dans le même temps, la Chine s’ouvre aux sciences de la vie. La bourse de Hong Kong vient de changer sa réglementation pour accueillir des sociétés de biotech qui perdent de l’argent. À court terme, la Chine est appelée à devenir un acteur majeur grâce au retour des tortues de mer, ces scientifiques qui se sont formés dans les meilleures universités américaines, payées à prix d’or… C’est une marée que l’on ne peut arrêter. Un mois dans l’Empire du Milieu vaut un an dans les pays occidentaux. L’industrie de santé est totalement mondialisée. Si l’on revient au sofosbuvir, l’idée pionnière vient d’un chercheur de l’université de Cardiff. En sciences, il faut être humble. La découverte peut surgir de n’importe quel point du globe. On a donc notre chance.
Outre Sofinnova, de nouveaux fonds viennent d’être créés.
La marée élève tous les bateaux. In fine, le succès dépend des femmes et des hommes au début de l’histoire. Sofinnova a participé à la création d’Actelion en avril 1998. Le premier produit avait été conçu pour l’insuffisance cardiaque aiguë. Mais il n’a jamais marché. Mais derrière le produit, il y avait une vision, celle de l’importance de l’endothélium vasculaire et surtout la qualité du management. L’autre leçon, c’est le bon timing. Il ne faut jamais être devant la vague, vous risquez la noyade, ou derrière. Le danger est alors de pagayer sans jamais la rattraper. On doit être au bon endroit. C’est toute la difficulté. Les hommes, la vision et le moment sont les trois ingrédients du succès.
Directeur général de Sofinnova Partner.
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