Le travail d’évaluation de la Commission de la transparence (CT) est complexe, indique d’entrée de jeu Nicolas Girard, oncologue à l’Institut Curie. C’est particulièrement vrai avec la médecine personnalisée et le découpage de certains cancers en entités qui sont, chacune, très rares (le cancer du poumon avec altération du gène ROS1 représente ainsi 1 % des cancers du poumon) : « Nous avons des données d’études mono-bras, non comparatives, qui montrent des taux de réponse à 90 % et des survies sans progression très prolongées. Il devient non éthique de faire un essai comparatif à la chimiothérapie dont on sait qu’elle ne marche pas », explique-t-il.
Aversion au risque
Du côté des laboratoires, Jérémie Westerloppe, Market Access Lead chez Bristol-Myers Squibb France, confirme cette complexité : « La grande difficulté est de trouver un équilibre entre nos aversions au risque et la gestion des incertitudes, entre la rigueur de la méthode et le besoin d’intégrer la nécessité ». L’évolution de l’environnement, en particulier en cancérologie, renforce ce phénomène avec des patients pris en charge de plus en plus tôt : « Avec plusieurs lignes de traitement, la démonstration de la survie ne peut plus forcément se faire car on ne sait plus dire qui est responsable de quoi. Il faut des alternatives à la survie ». Un enjeu difficile, toutefois, car il nécessite de trouver de nouvelles règles ensemble, sans s’enfermer dans le formalisme.
« Il faut travailler tous ensemble à trouver un système d’évaluation qui soit séquencé, avec probablement une méthodologie qui s’appuie sur des critères différents dans le temps, en se donnant des rendez-vous de validation et de vérification », précise Éric Baseilhac, directeur des affaires économiques et internationales du Leem. Cette nécessité repose sur un constat : des molécules présumées très innovantes, bénéficiant de procédures d’enregistrement « fast track » par l’EMA (European Medicines Agency), se voient attribuer une ASMR 4 (amélioration du service médical rendu) par la CT qui n’est, en effet, pas en mesure de les évaluer pleinement quand seuls des résultats de phase II sont disponibles… Or, ce niveau d’ASMR entraîne un prix bas et un accès impossible à la liste en sus. Une situation paradoxale, qui rend selon lui urgente la nécessité d’élaborer « un chemin d’accès conditionnel » pour ces médicaments.
Nouveau modèle de financement
Christian Thulliez, président de la CT, se dit favorable aux évaluations conditionnelles : « Pour éviter une perte de chance pour le patient, nous acceptons d’évaluer une molécule innovante pour laquelle il y a un besoin évident, à condition que des études complémentaires soient réalisées ». Les résultats attendus, la méthodologie souhaitée et le terme doivent alors être calés très en amont avec l’industriel. En outre, bien que le mode de financement ne relève pas de la responsabilité de la CT, il se prononce en faveur de l’évolution du concept de la liste en sus.
Une expérimentation en ce sens a d’ailleurs été lancée en octobre, dans le cadre de l’article 51, avec cinq établissements volontaires, explique Nicolas Labrune, adjoint au sous-directeur du financement du système de soins, à la sous-direction de l’assurance maladie. L’objectif est de tester un changement du mode de financement de ces produits onéreux, « avec un élargissement du champ de la liste en sus (l’ASMR n'est plus ici un critère d’inscription) et un financement dérogatoire pour ces molécules qui présentent un SMR important » : 50 % de la prise en charge sont dérogatoires, « à l’euro/l’euro », comme c’est le cas aujourd’hui, et 50 % relèvent d’une dotation accordée aux établissements. Résultat attendu d’ici trois ans au plus tard.
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