Les inhibiteurs du co-transporteur sodium-glucose 2 (iSGLT2) seraient associés à un risque accru de cancers de la vessie et du rein. C’est ce que révèle une analyse des données de la base de pharmacovigilance de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Vigibase, par une équipe française du CHU de Toulouse. « Le possible risque de cancer des voies urinaires associé à l’utilisation des iSGLT2 a été évoqué dès les premières études cliniques, notamment celles portant sur des populations diabétiques », expliquent au Quotidien les Drs Paul Gautier et François Montastruc, co-auteurs de l’étude. « Cependant, bien que de nombreuses équipes se soient penchées sur le sujet, la question est à ce jour non résolue, notamment en raison des limites méthodologiques des études antérieures », contextualise le Dr Montastruc, médecin pharmacologue.
« C’est dans le cadre de mon travail de thèse portant sur l’utilisation, l’intérêt et le risque des iSGLT2 en cardiologie que nous nous sommes intéressés, entre autres, à la question du risque potentiel de cancer », détaille quant à lui le Dr Gautier, docteur junior en cardiologie interventionnelle. Afin d’apporter de nouvelles données, l’équipe du CHU de Toulouse s’est servie d’un design et d’une méthodologie spécifiques permettant de se focaliser sur la détection d’événements indésirables rares, voire très rares. « Cette méthodologie ne démontre pas un risque de cancer, mais permet la détection de signaux qui doivent ensuite être confirmés par d’autres études », décrit le Dr Montastruc. Leurs résultats sont publiés dans la revue Drug Safety.
Un signal plus fort pour la dapagliflozine
Les chercheurs ont réalisé des analyses dites de disproportionalité sur des données de Vigibase datées de 2014 à 2023 afin d’évaluer l'association entre l’exposition chronique aux iSGLT2 et le risque de déclaration de différents types de cancers (hématologiques, rein, vessie, sein, biliaire, gastrique, peau, etc.).
Parmi les données de 18 570 279 patients, les auteurs retrouvent 644 cas de cancers associés à l'utilisation d’iSGLT2 ; les cas de cancers de la thyroïde et du pancréas ont été exclus « du fait du risque de biais compétitif avec les groupes de comparaison ». Dans l’analyse principale, les iSGLT2 ont montré une augmentation du rapport de cotes pour le cancer de la vessie (ROR = 4,46) et le cancer du rein (ROR = 1,84), mais pas pour tous les autres types de cancer (ROR = 0,95). « Cependant, si le signal de cancer de la vessie restait fort et stable après les analyses de sensibilité, celui du rein l’était moins, ce qui rend la robustesse de ce signal moins importante pour ce cancer », dévoile le Dr Gautier.
De plus, les auteurs ont comparé plusieurs gliflozines et observent que la dapagliflozine serait associée à des signaux plus forts (ROR = 4,12) que les autres pour le cancer de la vessie (ROR = 1,61 pour l’empagliflozine et ROR = 2,17 pour la canagliflozine).
La piste du glucose
Selon les auteurs, l’association entre iSGLT2 et risque accru de cancer des voies urinaires pourrait être expliquée par l’augmentation de l’excrétion rénale de glucose et la fréquence des infections du tractus urinaire. Ceci expliquerait pourquoi la dapagliflozine, dont l’excrétion est prolongée, aurait un signal plus fort pour le cancer. D’autant qu’il a déjà été établi que les personnes atteintes d’un diabète étaient plus à risque de cancer de la vessie que la population générale. « Cette hypothèse a été reprise ailleurs, mais elle doit encore être étayée par d’autres études », avertit le Dr Paul Gautier.
Pour les auteurs, si leurs résultats vont dans le sens de ceux d’études précédentes, il ne faut pour autant pas tirer la sonnette d’alarme concernant les iSLGT2. « Cette classe médicamenteuse a fait preuve, ces dernières années, de son grand bénéfice dans plusieurs indications », rappellent les deux auteurs interrogés qui signent une autre étude dans JACC Heart Failure montrant sur plus de 190 000 patients français l’efficacité en vie réelle des iSGLT2 dans l’insuffisance cardiaque. « Si le risque de cancer était avéré, il resterait probablement rare, voire très rare », estiment-ils. D’ailleurs, une étude demandée par l’European Medicines Agency sur le risque de cancers sous iSGLT2 par rapport aux inhibiteurs de DPP-4 (gliptines) au laboratoire Boehringer – qui commercialise l’empagliflozine (Jardiance) – n’a pas démontré de différence significative sur le risque de cancer entre les deux classes (patients des cohortes suédoise, finlandaise et britannique).
En conclusion, beaucoup de questionnements subsistent. « Notre message est qu’il n’y a pas encore lieu d’appliquer ces résultats à la pratique clinique et d’autres études observationnelles avec un suivi à long terme doivent être réalisées pour confirmer ou infirmer ce signal », concluent les Drs Gautier et Montastruc.
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