En France, les ATU permettent aux patients d’avoir accès à des molécules innovantes qui ne bénéficient pas d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) mais dont les résultats cliniques sont prometteurs dans des pathologies pour lesquelles les besoins médicaux restent importants. Avec l’arrivée des ATU de cohorte d’extension, le dispositif a été élargi aux nouvelles indications d’une molécule déjà titulaire d’une première AMM.
Ces ATU d’extension sont légales depuis mars 2019 et le décret précisant leurs modalités de prise en charge a été publié fin août. Elles ont d’abord concerné des produits de Roche : Tecentriq® (atezolizumab) dans le cancer bronchique à petites cellules, Lynparza® (olaparib) dans le cancer de l’ovaire et Kadcyla® (trastuzumab emtansine) dans le cancer du sein. Dupixent® (dupilumab) de Sanofi a également reçu un avis positif dans la dermatite atopique et d’autres dossiers sont en cours.
Inquiétude sur la prise en charge
Gwendoline Boyaval, directrice Accès au marché au sein de MSD France, salue l’élargissement du périmètre des ATU, tout en regrettant les délais nécessaires pour parvenir à ce résultat : « Dès 2014, avec l’immunothérapie, nous nous sommes rendu compte que le dispositif n’était pas adapté. Il a fallu cinq ans pour le faire évoluer. » Elle souligne la réactivité de l’ANSM, une fois le texte mis en place, mais s’inquiète de l’évolution des conditions de prise en charge économique des ATU : « à chaque LFSS, cela se durcit et se complexifie jusqu’à rendre illisible le système actuel. » Elle redoute la perte d’attractivité du dispositif et indique que MSD a choisi d’adopter une position attentiste, faute de prévisibilité suffisante.
Jean Philippe Alosi, directeur des affaires publiques et gouvernementales chez Amgen France, appelle quant à lui de ses vœux « des échanges précoces avec les pouvoirs publics, car l’industriel a besoin de visibilité » pour estimer les enjeux liés à l’arrivée de certaines innovations, notamment leur probabilité d’accéder au marché, leur impact organisationnel, la prévisibilité des dépenses, etc.
Dialogue et anticipation
L’ANSM est justement en train de construire un guichet innovation qui, d’ici quelques semaines, permettra aux demandeurs de solliciter un avis et d’obtenir une réponse rapide, pointe Lotfi Boudali, directeur de la division des médicaments en oncologie, hématologie, transplantation, néphrologie, produits de thérapie cellulaire, tissus et produits sanguins labiles au sein de l’agence. Ce guichet pourrait ensuite évoluer vers un « groupement d’intérêt public associant d’autres décideurs, d’autres administrations », afin d’élargir la palette des questions abordées, notamment les enjeux liés au financement.
De son côté, l’Inca entend mieux anticiper l’impact des innovations : « Nous sommes en train de développer Horizon Scanning, un dispositif d’anticipation des innovations dont l’objectif est d’identifier précocement les développements de médicaments anticancéreux qui seront impactants », explique ainsi Sophie Negellen, responsable du département médicament. Les essais cliniques en cours ont été recensés et l’outil va permettre d’estimer l’impact clinique des nouveaux médicaments ainsi que leurs effets sur l’organisation des soins. Une projection économique sera aussi réalisée, à partir de données publiques disponibles (prix des alternatives, prix aux États-Unis, population cible…).
Enfin, Laure Guéroult-Accolas, directrice de Patients en réseaux, pointe la complexité du système des ATU et de ses déclinaisons. Elle juge essentiel qu’il soit bien expliqué et que les soignants soient mieux informés et mobilisés pour pouvoir renseigner et orienter les patients.
Table ronde Accompagnement des innovations médicamenteuses (anticipation / accès / bon usage), mercredi 29 novembre 2019.
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