Cancers JOG et gastrique : le triomphe de l’immunothérapie
« On compte 4 250 nouveaux cas de cancers de l’œsophage en France, 75 % sont des hommes. Le diagnostic est réalisé à des stades avancés et très difficilement opérables. Le pronostic au stade métastatique est de 3 % de survie à 5 ans. La mortalité est de 1 300 décès annuels. Vingt à 25 % de ces cancers vont être opérables, beaucoup vont rechuter », a indiqué la Pr Frédérique Pr Penault-Llorca (pathologiste et directrice générale du CLCC Jean-Perrin, Clermont-Ferrand). Au stade précoce de la maladie, huit cents patients ont été inclus dans l’étude CHECK-MATE 577 (abstract#LBA-9 PR) présentée en session présidentielle. Ils ont été traités soit par immunothérapie, le nivolumab, soit par un placebo, en adjuvant dans les cancers de l’œsophage ou de la jonction œsogastrique opérés et traités en néoadjuvant par chimioradiothérapie. Une amélioration de la survie sans progression médiane est observée dans le groupe nivolumab (multiplié par 2 par rapport au groupe placebo), soit 22,4 mois versus 11 mois (p = 0,0003). « C’est extrêmement prometteur et intéressant, avec un bon profil de tolérance, s’est enthousiasmée la Pr Penault-Lorca. C’est sans aucun doute un nouveau standard thérapeutique qui va diminuer le nombre de rechutes pour les patients atteints de cancers de l’œsophage épidermoïde ou de la jonction avec l’estomac. »
Au stade métastatique, un nouveau standard
Au stade métastatique, le traitement de ces cancers est une chimiothérapie à base de sels de platine et du 5-FU. L’étude Keynote 590 (abstract#LBA8-PR) a évalué le pembrolizumab dans cette situation clinique associée à la chimio versus placebo+chimiothérapie. Il n’y avait pas dans cette étude de possibilité de cross–over. L’objectif était la survie globale : elle est significativement améliorée passant de 8 mois à 14 mois sous immunothérapie pour les patients qui exprimaient le PDL-1 sur les cellules tumorales et les cellules immunes (score CPS pour combined positive score), soit une réduction de 43 % du risque de décès dans ce dernier sous-groupe (HR=0,57 ;p<0,0001). « Cette amélioration de la survie globale est observée dans tous les sous-groupes quel que soit le type histologique. L’effet maximal est dans les groupes des cancers œsophagiens de type malpighiens avec une situation œsophagienne haute avec un CPS ≥ 10. On observe également une amélioration de la SSP et du taux de réponse globale. C’est là encore un nouveau standard », se réjouit l’experte.
Des résultats inespérés dans les cancers gastriques et de la JOG
« L’incidence des cancers gastriques est de 6 500 nouveaux cas par an en France ; c’est le quatrième cancer dans le monde, avec 4 500 à 5 000 décès par an. C’est un cancer très meurtrier. Les formes localisées ont un pronostic vital de 60 % à 5 ans, en revanche dans les formes avancées, le taux de survie est à 2 % à 5 ans. Nous sommes très démunis avec très peu d’options thérapeutiques par rapport à ce cancer hormis les cancers gastriques exprimant HER2 », explique la Pr Penault-Lorca.
L’étude internationale CheckMate 649 (abstract#LBA6-PR) a comparé en première ligne métastatique l’association nivolumab+chimio (CapeOX ou FOLFOX) versus chimio dans les cancers gastriques et de la JOG localement avancés ou métastatiques. Les réponses observées sont meilleures chez les patients dont les tumeurs expriment du PDL1 sur les cellules cancéreuses et dans leur environnement (CPS > 5). L’amélioration de la survie globale dans la population CPS > 5 est de 14 mois versus 11 mois (HR = 0,71, p < 0,0001), avec une amélioration de la SSP. Un bénéfice est observé dans tous les sous-groupes en s de taux de réponse et de durée de réponse. « Obtenir de tels résultats est totalement inespéré dans ces situations métastatiques. Il faut maintenant attendre les résultats à long terme. »
L’étude Attraction (abstract#LBA7-PR) dirigée en Asie dont la méthodologie est comparable à l’étude CheckMate 649 n’a pas observé d’amélioration de la survie globale.
« Là aussi, dans les adénocarcinomes œsogastriques avancés ou métastatiques, l’arrivée de l’immunothérapie, le nivolumab, associée à la chimiothérapie va constituer un nouveau standard de la première ligne métastatique pour des maladies que nous pouvons qualifier pratiquement de maladies orphelines. »
Cancer du rein métastatique : un combo immunothérapie/TKI fait mouche
L'étude de phase 3 CheckMate-9ER (abstract#6960) a inclus 650 patients atteints de carcinomes rénaux métastatiques dont 23 % à risque favorable, 58 % à risque intermédiaire et 20 % à haut risque. Ils ont été randomisés dans 2 bras de traitements : l’association nivolumab (anti-PDL1)+cabozantinib (TKI avec une action à la fois anti-angiogénique et anti-MET) versus sunitinib (TKI avec action anti-angiogénique). Au terme du suivi (durée médiane de suivi : 18 mois) dans le bras nivo+cabozantinib, l’amélioration de la survie sans progression (critère primaire) est impressionnante : 16,6 versus 8,3 mois (RR=0,51 ; 0,41-0,64; p <0,0001). « Avec un plateau impressionnant de stabilisation de la maladie, les données de survie globale ont de grandes chances d’être positives. » Parallèlement, le taux (56 % versus 27 %) et les durées de réponse (20 versus 12 mois) sont bien meilleurs. « Ces bénéfices ont été observés dans tous les sous-groupes quels que soient l'âge, le sexe, le statut PDL1, la présence de métastases osseuse ou le score de risque (IMDC). Il n’y a pas un surcroît de toxicité. L'association nivolumab/cabozantinib devrait rapidement devenir un standard de traitement en première ligne. »
Cancer du sein
Cancers du sein HR+, HER-2- à haut risque de rechute
L’étude MonarchE de phase III en ouvert (abstract#LBA5-PR) a évalué l’efficacité de l’abémaciclib, inhibiteur du cycle anti-CDK4 /CDK6, en adjuvant à l’hormonothérapie (tamoxifène ou inhibiteur de l’aromatase) chez des femmes présentant un cancer du sein HR+/HER2-. Ces cancers luminaux représentent environ 70 % des cancers du sein dont 20 % sont à haut risque de rechute.
Dans cette étude, les tumeurs du sein étaient de très grande taille (plus de 2 cm) et avec 4 adénopathies envahies.
Plus de cinq mille patientes ménopausées ou non (près de 45 % des patientes étaient préménopausées) ont été randomisées selon un ratio 1:1 entre un bras hormonothérapie seule versus hormonothérapie plus abémaciclib à la posologie de 150 mg x2/jour durant 2 ans. Les facteurs de stratification principaux étaient le statut de ménopause ou non, et l’administration ou non d’une chimiothérapie néoadjuvante. L’objectif primaire était la survie sans maladie invasive. Les objectifs secondaires étaient les suivants : survie sans maladie à distance excluant les seconds cancers du sein, la survie globale (SG), et bien sûr la tolérance. Les hypothèses statistiques prévoyaient dans le bras contrôle une IDFS de 82.5 % et prévoyaient une réduction du risque de 27 % avec l’abémaciclib. Après un suivi médian de 15,5 mois (alors que seules 12,5 % des patientes ont terminé les 2 ans de traitement par abémaciclib), le risque de rechute invasive est réduit de 25,3 % (HR=0.74 ;p=0.0096). Les survies sans maladie invasive à 2 ans sont estimées à 92,2 et 88,7 % dans les bras avec et sans inhibiteur de CDK (soit bénéfice absolu de 3,5 %). Ce bénéfice se retrouve dans tous les sous-groupes. La réduction du risque de rechute à distance est de 28,3 % (HR 0.71 ; IC95 % 0.559-0.920 ; p=0.0085). Au total, 92 et 142 rechutes métastatiques ont été rapportées dans les bras abémaciclib et placebo respectivement. L’étude n’est pas mature pour la SG. On notera enfin 63 (2,3 %) et 14 (0,5 %) accidents thrombo-emboliques dans les bras abémaciclib et hormonothérapie seule.
« Ce traitement devrait vite devenir un standard », selon S Johnston, principal investigateur de l’étude. Reste néanmoins à voir s'il peut permettre de s'affranchir de la chimiothérapie. Par ailleurs, on manque encore de recul en termes de toxicité et c'est important tant au regard du nombre de femmes relevant potentiellement de ce traitement que parce qu’à long terme les effets secondaires vont influencer l'adhérence/l'acceptation des femmes.
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