Le secteur est encore exportateur même si les grands groupes de radiologie sont en majorité étrangers. Depuis une vingtaine d’années, la vitalité de ce secteur est portée par l’innovation. Les grandes découvertes ont eu lieu régulièrement et par étapes depuis cent ans. Aujourd’hui, l’imagerie devient personnalisée, au sens où l’image contient des données nominatives (marqueurs, mesures anatomiques). Ces données numériques inscrites dans l’image, cryptées ou non, facilitent un parcours de soins personnalisé qu’il convient de mieux définir. L’imagerie contribue à définir un choix thérapeutique, à planifier et structurer le parcours du patient. Le support de l’imagerie a permis de modifier l’attitude thérapeutique, relève l’Inserm.
Un point-clé partagé par Deborah Cvetojevic (DGOS, ministère de la Santé) qui considère qu’il faut encourager la radiologie interventionnelle qui permet des durées moyennes de séjour plus courtes. Elle demande toutefois plus d’études médico-économiques dans lesquelles doivent s’impliquer des équipes hospitalières. Il s’agit, en effet, de « fonder les règles du jeu et l’encadrement financier de cette pratique. Plus il existera de données d’évaluation, plus l’inscription des actes pourra être facilitée à toutes les étapes ».
Un changement du régime des autorisations
Un changement du régime des autorisations, porté par la loi de Santé (article 51), est en projet. Il s’agira de passer d’un système autorisant les équipements d’imagerie appareil par appareil à un système plus dynamique autorisant une activité d’imagerie. Cette nouvelle approche instaurera des règles de qualité, de sécurité et de compétences professionnelles. Quant à la polémique sur le nombre d’équipements, la responsable du ministère remet en cause l’idée que la France a un taux d’équipements en imagerie inférieur à ses voisins européens. Elle évoque « des efforts considérables ces trois dernières années. « On est passé de 600 à 812 IRM installées sur le territoire français », argumente-t-elle.
La France soigne sa santé
Selon Éric Haushalter (Cnam), le nombre d’innovations actuelles est lié à la solvabilisation de la demande. Le critère majeur que prend en compte la Cnam lorsqu’elle considère l’innovation est celui de l’efficience. Elle est en effet garante du maintien de la dépense dans les limites fixées par l’Ondam. Les dépenses de santé cette année en France sont d’environ 180 milliards d’euros, dont 5 milliards pour l’imagerie. L’Ondam à 1,75 % en 2016 est certes bas mais « c’est tout de même 1,75 % de 180 milliards d’euros, soit une masse très significative ». Les masses financières consacrées à la santé dans notre pays sont d’un niveau suffisamment important pour qu’on puisse se poser la question d’optimisation et pas forcément d’une forte croissance. La question est de savoir comment on optimise le parcours de soins, pour qu’il soit le plus efficient possible. Toutes les spécialités médicales demandent davantage de ressources. La vraie question est donc de raisonner autour du parcours de soins et des interventions pertinentes au fil de ce parcours. Ensuite vient la manière dont une profession de santé s’organise pour qu’une pratique efficiente se développe. « Il se peut qu’une évolution des pratiques soit accompagnée de baisses tarifaires et il est compréhensible que certaines spécialités aient du mal à l’accepter », termine-t-il.
Efficience au long cours, santé toujours
La durée moyenne d’inscription des innovations dans la procédure « de droit commun » est de deux ans. Mais la nouvelle procédure devrait ramener ce délai à un an ou un an et demi. La procédure d’accès au marché accélérée pour un DM innovant existe déjà. En tant que financeur, le directeur de l’Uncam a la possibilité d’inscrire ou non au panier de soins un acte qui aurait été reconnu efficient. S’il fait un choix négatif, ce qui jusqu’ici n’est pas arrivé, il devra le justifier et la ministre pourra revenir dessus.
Marie Meynadier (Snitem) met en lumière une difficulté méthodologique liée au calcul de l’efficience. Lorsqu’un acte interventionnel se substitue à un acte invasif, la mesure du gain patient et du gain économique est assez simple à mettre en évidence, ce qui n’est pas le cas lorsqu’on cherche à mesurer l’efficience des actes d’imagerie tout au long d’un parcours de soins. Là, les méthodes traditionnelles (de type double aveugle) demandées par la HAS montrent leurs limites.
Pour Gaëtan Poncelin de Raucourt (ministère de l’industrie), le secteur de la santé est toujours considéré par le gouvernement comme prioritaire du point de vue industriel. En témoignent les filières stratégiques créées il y a quelques années (dont la santé fait partie), les priorités technologiques en termes d’innovation industrielle apparues il y a moins d’un an, dont neuf concernent la santé, imagerie comprise. La santé est en « compétition » avec d’autres filières qui sont stratégiques pour des raisons économiques et de défense nationale : le numérique, l’automobile, l’aérospatial, l’agroalimentaire. La priorité mise sur la santé n’est pas nouvelle mais l’affichage est peut-être nouveau. Le Gouvernement précédent (avec les États Généraux de l’Industrie en 2009) a mis la santé au cœur des priorités, et l’actuel a réitéré la priorité. Cela se matérialise par le soutien à la recherche académique, clinique et industrielle sur la santé et l’imagerie via les nombreux dispositifs mis en place dans le cadre des investissements d’avenir : pas moins de 4 IHU, 16 Equipex, 11 Labex, 5 pôles de compétitivité s’intéressent à l’imagerie.
Un marché
L’innovation, c’est aussi un marché et la capacité d’accéder à des capitaux. Marie Meynadier note que Paris est la première place boursière européenne en matière de technologies de santé, au point que des sociétés allemandes ou anglaises innovantes en santé viennent se coter sur Euronext. Les 8 sociétés françaises cotées d’imagerie représentent une capitalisation cumulée de l’ordre de 4 milliards d’euros.
Radiologie interventionnelle : excellence et blocages
Le Pr Bruno Kessler (Chu de Besançon) prend l’exemple de la radiofréquence hépatique. « Pratiquée par un radiologue interventionnel, elle coûte à peu près 3 000 euros, avec un ou deux jours d’hospitalisation et 1 500 euros de matériel. Avec la chirurgie classique, le coût s’élève à 12 000 ou 15 000 euros. La France excelle en radiologie interventionnelle, elle est leader mondial dans plusieurs domaines mais l’innovation peine à entrer dans la pratique quotidienne, à quitter les centres d’excellence hospitaliers pour se diffuser aussi dans le privé. »
Mais, selon le médecin, les cotations ne seraient pas adaptées aux actes pratiqués. « Il n’est pas normal que les patients ne bénéficient pas systématiquement de traitements des métastases osseuses qui ne sont pratiqués que dans 8 ou 10 centres en France. Lorsqu’on passe d’un acte chirurgical nécessitant plusieurs jours d’hospitalisation à un acte interventionnel en 24 à 48 heures, beaucoup moins invasif, la pression des patients pour en bénéficier est énorme. Mais quand un acte n’est ni inscrit, ni remboursé, la perte est partout : au niveau du patient, de l’hôpital, de la Sécu… Sans compter l’impact en termes d’arrêts de travail, de dix jours à deux semaines pour une chirurgie classique alors que la radiologie interventionnelle remet les personnes au travail en deux ou trois jours. »
Au Canada : vers une radiologie personnalisée à l’acte
Le Pr David Koff, invité des JFR, dirige le département d’imagerie d’un groupe de sept hôpitaux dans la province de l’Ontario au Canada. Au Canada, les cycles d’achat sont de 2-3 ans, puis l’équipement est utilisé sur une période de cinq à dix ans avant de pouvoir être renouvelé, par le biais d’investissements qui sont souvent privés. Le bien-fondé de l’innovation doit donc être justifié et l’hôpital ne peut être en déficit. Le système de santé évolue d’une logique quantitative à une logique qualitative, d’un budget global à une médecine personnalisée à l’acte. C’est le cas depuis trois ans pour la chirurgie du genou, avec un forfait de 4 700 dollars incluant toute la prestation de soin, de l’imagerie à la chirurgie. De plus en plus de forfaits existent, comme ceux créés pour l’AVC cette année. L’objectif est de trouver le moyen le plus efficace et performant de traiter le patient dans une enveloppe financière limitée. Des groupes d’experts sont chargés d’évaluer les technologies et de conseiller le ministère. Quant au chef de service, son rôle est de conseiller l’administration de l’hôpital sur les technologies à mettre en place. La digitalisation des images fonctionne très bien au Canada, avec 100 % des hôpitaux et cliniques raccordés au PACS (système d'archivage et de transmission d'images, ou Picture Archiving and Communication System). L’accès à l’innovation est plus réglementé en Ontario qu’au Québec, lequel a mis davantage de ressources dans le secteur privé. Mais le transfert d’images s’opère partout. On considère que le consentement du patient au transfert d’images est implicite (s’il refuse, il doit le dire), à l’inverse de la France. Le réseau de télé-AVC a été mis en place depuis longtemps en Ontario. Dans les quatre centres d’imagerie qu’il dirige, la téléradiologie fait partie de la pratique quotidienne. La nuit, les résidents de garde sont regroupés sur un seul site et lisent à distance les examens pour les quatre hôpitaux. Un radiologue de garde à domicile peut accéder aux images instantanément et faire un compte rendu. Plus globalement, les « inforoutes » digitales sont très développées au Canada, facilitant le partage d’information entre le radiologue et le prescripteur. Il existe 18 banques d’images médicales au Canada. Dans la région où exerce David Koff, un outil collecte et héberge environ 1,5 million d’examens par an, gardés pour la durée de vie des patients et reliés à leur dossier patient électronique. Tous les médecins et professionnels de santé de la région ont accès à cet outil, moyennant l’obtention d’une accréditation, délivrée par un hôpital du réseau concerné. Des audits réguliers portent sur la confidentialité et le contrôle de l’accès et les sanctions peuvent être sévères en cas de manquement. C’est un système à la fois très souple et très contrôlé.
Pour faire mieux avec moins : la pertinence des actes
Un représentant des radiologues québécois témoigne de la complémentarité entre les centres hospitaliers universitaires et les cliniques privées au Québec, avec un transfert significatif d’activité des CHU vers les réseaux de cliniques. Au Canada, chaque province prend ses décisions concernant l’innovation. Les organismes réglementaires doivent être convaincus non seulement de l’intérêt des nouvelles technologies mais aussi, dans le contexte économique actuel, ils doivent montrer qu’elles ne sont pas créatrices de coûts, qu’elles contribuent à une meilleure efficience. Le gouvernement actuel a décidé de geler les budgets de la santé, qui représente 45 % du budget du gouvernement provincial et 35 % du budget national. Le problème au Canada ce sont les listes d’attente, il faut trouver un moyen pour les réduire. Selon David Koff, le gel est similaire en Ontario, où la santé représente 42 % du budget provincial. En trente ans, 30 000 lits d’hospitalisation y ont été supprimés. La répartition de l’offre de soins est équilibrée à 50/50 entre le public et le privé, en revanche la répartition des modalités d’imagerie est différente : l’Ontario dispose de 200 scanners et 90 IRM, pour l’essentiel à l’hôpital, (seulement 12 de ces appareils sont dans le privé), tandis que la radiologie générale, la mammographie, l’échographie et la densité osseuse sont essentiellement réalisées dans le privé. Les radiologues, au nombre d’un millier environ dans la province, travaillent souvent à la fois dans le privé et dans le public. Seuls environ 30 % travaillent exclusivement dans le public. David Koff prédit un développement, en Amérique du Nord d’abord puis en Europe, d’outils d’aide à la décision visant à aider les médecins quant à la pertinence des actes.
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