L’iptacopan, un inhibiteur du facteur B du complément déjà autorisé dans l’hémoglobinurie paroxystique nocturne, et l’atrasentan, un antagoniste sélectif des récepteurs de type A de l’endothéline, tous deux développés par Novartis, se révèlent efficaces pour réduire la protéinurie dans la néphropathie à IgA, selon les résultats intermédiaires de deux essais cliniques publiés simultanément dans The New England Journal of Medicine.
Ces résultats confirment l’intérêt de ces molécules dans cette glomérulopathie qui ne bénéficiait jusqu’à il y a une dizaine d’années que de traitements par cortisone. Dans cette pathologie, les recommandations internationales se concentrent sur l’abaissement de la protéinurie et la freination de la perte de fonction rénale (1).
Dans l’éditorial associé (2), la néphrologue pédiatrique Julie Ingelfinger, rédactrice en chef adjointe du New England Journal of Medicine, professeure de pédiatrie à la Harvard Medical School et consultante en néphrologie pédiatrique au Massachusetts General Hospital (Boston), se réjouit de l’essor de la recherche ces dernières années, mentionnant « les nombreux essais cliniques évaluant de nouvelles thérapeutiques spécifiques ». Pour le Pr Christophe Mariat, chef du service de néphrologie au CHU de Saint-Étienne, « la publication concomitante de ces deux études portant sur l’iptacopan et l’atrasentan dénote l’actualité riche et le dynamisme de la R&D médicamenteuse dans la néphropathie à IgA ».
Deux types de traitement sont en développement : ceux ciblant la dérégulation du système immunitaire et les néphroprotecteurs
Pr Christophe Mariat, chef du service de néphrologie au CHU Saint-Étienne
« Notre meilleure connaissance de la pathologie a permis de développer deux types de traitement : ceux ciblant les mécanismes de cette glomérulopathie, c’est-à-dire la dérégulation du système immunitaire et plus généralement une réponse inflammatoire exagérée, et ceux, moins spécifiques, exerçant une néphroprotection », détaille-t-il pour le Quotidien.
Ainsi, parmi les traitements récemment évalués figurent les inhibiteurs du SLGT2 (iSGLT2), une formulation de budésonide conçue pour délivrer spécifiquement le médicament dans l'iléon aux cellules immunitaires productrices d'IgA (Nefecon), ou encore le double antagoniste des récepteurs de l'endothéline et de l’angiotensine (sparsentan, Filspari du laboratoire Vifor France). La méthylprednisolone à faible dose a également présenté des résultats encourageants dans l’étude chinoise Testing, alors même que les glucocorticoïdes à forte dose avaient été remis en cause sept ans plus tôt dans l’étude Stop-IgAN (3). « L’étude Stop-IgAN ainsi que d’autres essais avaient suggéré que les thérapies immunosuppressives n’étaient pas utiles », commente la Dr Ingelfinger.
Cependant, la pédiatre américaine rappelle que « la néphropathie à IgA n'est pas une entité unique et que des formes secondaires peuvent être associées à une hépatite virale, à une maladie intestinale inflammatoire et à d'autres maladies » et qu’elle « est associée à de nombreuses variantes génétiques » justifiant ainsi que les thérapies « puissent et doivent être différentes ». Depuis quelque temps, l’attention se porte particulièrement sur le sibéprenlimab, un anticorps monoclonal IgG2 humanisé qui se lie à un ligand pro-prolifératif pour le neutraliser, l’iptacopan, un inhibiteur de la voie alternative du complément ayant fait ses preuves dans l’hémoglobinurie paroxystique nocturne, et l'atrasentan, un antagoniste sélectif des récepteurs de type A de l’endothéline.
Des réductions de plus de 30 % de la protéinurie
L’essai en double aveugle Applause-IgAN (4) évalue l’iptacopan contre placebo dans la néphropathie à IgA en association aux traitements de support. Les premiers résultats intermédiaires ont déjà permis d’accélérer son approbation par la Food and Drug Administration (FDA) en 2024 dans la néphropathie à IgA, faisant de lui un « first-in-class » pour la réduction de la protéinurie chez les adultes atteints (diagnostic confirmé à la biopsie) présentant un risque de progression rapide de la maladie et une protéinurie égale ou supérieure à 1 g/jour en dépit d’un traitement de support. En effet, la voie alternative du complément joue un rôle clé dans la pathogenèse de la néphropathie IgA, faisant de l’iptacopan un excellent candidat dans cette pathologie. « L’iptacopan cible les mécanismes de l’inflammation dans la néphropathie à IgA », précise le Pr Mariat.
Dans cette nouvelle analyse intermédiaire, les auteurs retrouvent à 9 mois, dans le groupe iptacopan (n = 125), une protéinurie 38,3 % plus basse que dans le groupe placebo (n = 125). L'incidence des événements indésirables survenus au cours de la période de traitement était similaire dans les deux groupes avec des événements d'une gravité légère à modérée et réversibles ; aucun risque accru d'infection n'a été observé.
De même pour l'atrasentan, l'analyse intermédiaire de l’essai en double aveugle Align (5) a montré une réduction significative de la protéinurie dans le groupe traité (n = 135) par rapport au placebo (n = 135) à 36 semaines. Via son activité inhibitrice de l’endothéline, l’atrasentan semble également idéal pour bloquer la physiopathologie de la néphropathie à IgA. Les auteurs observent ainsi, pour le groupe atrasentan, une réduction de 36,1 % de la protéinurie contre une baisse de 3,1 % dans le groupe placebo. Là aussi, pas de différence significative concernant la fréquence des effets indésirables entre les deux groupes, le plus notable étant la rétention d’eau. « Cette étude confirme l’intérêt qui se portait déjà sur le sparsentan, qui combine le blocage de l’endothéline et de l’angiotensine », commente le néphrologue stéphanois.
Les données sur le DFGe seront décisives
Que ce soit pour l’iptacopan ou l’atrasentan, les résultats de l’analyse finale sont attendus pour savoir si, au-delà d’abaisser la protéinurie, ces médicaments freinent, voire interrompent, le déclin de la fonction rénale. « Les données sur le débit de filtration glomérulaire estimé (DFGe) seront en effet essentielles pour l'approbation définitive », commente la Dr Ingelfinger. Les résultats à deux ans d’Applause-IgAN et à 132 semaines d’Align devraient arriver prochainement.
Pour la Dr Ingelfinger, « ces deux travaux sont prometteurs » et il ne fait aucun doute que leurs résultats « accéléreront l’approbation définitive ». Les essais qui comparent une nouvelle approche à un placebo fournissent des données nécessaires et intéressantes, mais ne suffisent pas pour la pratique. « Bien que les essais contrôlés par placebo nous aident à découvrir de nouveaux agents efficaces, ils ne nous disent pas quel agent utiliser parmi les nombreux choix qui s'offrent à nous, développe-t-elle. Les essais en tête-à-tête sont donc au moins aussi importants, car nous gardons à l'esprit que le choix du médicament de comparaison peut influencer les résultats de l'essai ». Un constat partagé par le néphrologue français qui, en outre, soulève la question « des possibles combinaisons de ces médicaments ayant montré, isolément, leur efficacité » et celle « du profil de patients à qui bénéficieront les différents traitements ». « Nous assistons à une phase enthousiasmante et foisonnante de la néphropathie à IgA », conclut-il.
(1) KDIGO. Kidney International, 2021. DOI : 10.1016/j.kint.2021.05.021
(2) J. Ingelfinger, NEJM, 2025. DOI : 10.1056/NEJMe2413288
(3) T. Rauen et al., NEJM, 2015. DOI : 10.1056/NEJMoa1415463
(4) V. Perkovic et al., NEJM, 2025. DOI : 10.1056/NEJMoa2410316
(5) H. Heerspink et al., NEJM, 2025. DOI : 10.1056/NEJMoa2409415
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