Pour la première fois, le parcours du médicament et celui du patient doivent se dérouler dans le même temps. Ce qui n’est pas facile. Cette révolution thérapeutique a pour origine le monde académique. Les premiers essais cliniques ont débuté il y a trois ans dans la leucémie aiguë lymphoblastique (LAL) de l’enfant et de l’adolescent. Deux médicaments depuis ont obtenu une AMM. Et sont accessibles dans le cadre d’une ATU nominative pour les patients atteints de lymphome et LAL. Ces innovations imposent la mise en place de nouvelles organisations sur le territoire pour les accueillir.
Le concept émerge à la fin des années quatre-vingt dans un laboratoire israélien. L’idée est de donner aux lymphocytes T la possibilité de reconnaître une cellule cancéreuse par son antigène comme l’anticorps par le lymphocyte B. On procède par un échange entre les chaînes variables des immunoglobulines et celles du récepteur T. Puis le dispositif sera simplifié avec la première version du récepteur CAR où le domaine variable de l’immunoglobuline est fusionné au système d’activation du récepteur T. Il aura fallu d’autres développements pour faire la preuve du concept en clinique. Cette première génération de CAR-T ne donnait pas encore des résultats probants. Ils ne demeuraient pas assez longtemps pour pérenniser leurs effets. La sécrétion de cytokines par exemple était insuffisante. Et le lymphocyte T nécessitait donc un premier signal puis un second signal d’activation. Un grand nombre de récepteurs sont capables d’exercer ce second signal. D’où alors l’idée de fusionner les deux signaux lors de l’activation du récepteur. Et c’est ce dispositif de seconde génération qui est aujourd’hui utilisé en clinique. On dispose de deux sources de cellules aujourd’hui. La première est autologue. On récupère lors des rechutes des cellules périphériques par plasmaphérèse. On trie les lymphocytes T. Puis ces cellules seront activées selon le processus d’amplification grâce à des virus. Mais d’autres schémas existent.
Les cellules seront ensuite amplifiées puis congelées avant d'être administrées aux patients, le plus souvent après une chimiothérapie de type lymphodéplétion. Qui permet d'amplifier la réponse et de permettre aux CAR-T de persister au sein de l'organisme. Ce système est très proche en fait de l'autogreffe et de l'allogreffe. L'efficacité n'est pas simplement liée au produit. Une seconde source est allogénique avec deux méthodes différentes. La première serait de récupérer au cours d'une allogreffe des cellules T compétentes issues d'un donneur, leur faire subir le même process avant de les réinjecter au patient. La seconde méthode est encore plus prometteuse mais moins avancée en développement que l'approche autologue. On sélectionne ici des donneurs universels ou on les rend universels. Ce qui permettrait de disposer de cellules toutes prêtes dans les pharmacies hospitalières sans attendre la fin du processus de fabrication d'une durée minimale de 15 jours environ, soit une sorte de Do it yourself.
Plus de 300 essais en cours
En octobre 2018, on recensait plus de 300 essais en cours. La Chine désormais a largement dépassé les États-Unis. En France, il n'y a toujours pas d'essai académique en cours. Le premier essai devrait débuter en 2019 ou 2020.
Il n'y a pas un seul type de CAR-T mais plusieurs types de CAR-T. Plusieurs techniques de transductions ont été développées, essentiellement virales. L'avenir est peut-être à des techniques non virales, non intégratives pour exprimer ces récepteurs chimères. Cette diversité touche également les modalités de réinsertion, en monodose ou en dose fractionnée adaptée à la masse tumorale.
Pourquoi les CAR-T sont développés dans les hémopathies qui expriment le CD-19 ? Tout simplement parce que cette protéine est exprimée de manière ubiquitaire à tous les stades de la maturation des lymphocytes B mais aussi parce que les tissus qui les expriment, les lymphocytes B vont faire les frais de cette utilisation. Le patient à la suite du traitement développe une aplasie B prolongée. Les patients vont alors survivre grâce à la supplémentation en immunoglobulines polyvalentes. Ce qui n'est pas le cas pour tous les antigènes tissulaires. C'est l'un des freins importants au développement de cette stratégie dans les tumeurs solides.
Rémissions complètes
Les résultats sont impressionnants. Si l'on prend l'exemple des lymphomes diffus à grandes cellules, on attend chez les patients en phase avancée de la maladie environ 25 % de rémission avec les approches conventionnelles. Avec les CAR-T dans des populations encore étroites entre 70 et 100 patients, des suivis médians courent entre 1 an et 1 an et demi, les rémissions complètes sont comprises entre 54 à 60 %. Les survies à deux ans sont de 58 % à 18 mois. On attend les phases III.
Dans les leucémies aiguës lymphoblastiques, les études ont traité entre 50 à 70 patients. Dans cette population, les patients étaient à un stade palliatif de la maladie. On s'attend à 10 ou 20 % de réponse. Or les taux atteignent 80 à 90 %. La maladie devient même indétectable. En ce qui concerne les survies, on n'enregistre plus de nouvel évènement après 10 à 12 mois. Chez les adultes, les résultats ne sont pas aussi spectaculaires.
Effets secondaires
Autre intérêt de ces CAR-T, ils sont capables de franchir la barrière hémato-méningée. Ces nouvelles thérapeutiques sont toutefois à l’origine d’effets secondaires liées à l’extension des cellules T et du relargage de cytokines (interféron gamma et Interleukine 6) dont la toxicité est notamment à effet neurologique. Il se traduit par une fièvre, une dyspnée, des défaillances neurologiques, digestives, voire une activation du système de coagulation. Et peut dans certains cas se conclure par le décès du patient.
Les médecins des services de soins intensifs sont des partenaires incontournables de la prise en charge des patients. Des anticorps permettent toutefois de lutter contre ces effets secondaires, voire des corticoïdes.
Enfin, des progrès sont attendus sur la réduction du cycle de fabrication. En cas de LAL, des patients adultes décèdent avant la mise à disposition de ce nouveau traitement. À terme, les CAR-T devraient être proposées à des malades peut-être moins atteints. Reste que ce traitement ne signe pas la fin du cancer. Des processus d’échappement ont déjà été décrits.
RCFR 2018, session du mardi 27 novembre "Nouvelles voies thérapeutiques dans les cancers, les CAR T-cells".
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