Enfant, on rêve sa vie. Le plus souvent, le rêve se brise. Certains hommes et des femmes à l’âge adulte ont la chance rare de la vivre en vrai. Philippe Charlier appartient à cette tribu, élue des dieux. L’initiation repose toutefois sur un rituel cruel toujours nécessaire. Dans cette région de la terre que l’on appelle Occident, l’épreuve peut se conclure par un échec. Titulaire d’un bac à 16 ans et demi, Philippe Charlier atteint enfin la dernière étape du parcours hospitalo-universitaire, celle qui mène au Graal, la nomination au titre de PU-PH. Détenteur des titres requis, il se heurte toutefois à un tir de barrage. Il ne sera jamais chef de service d’anatomopathologie à l’AP-HP. L’horizon s’ouvre en fait pour ce docteur ès-sciences et docteur ès-lettres, archéologue dès l’adolescence, passionné d’histoire et d’anthropologie. C’est même la chance de sa vie. Et l’accès à des responsabilités inespérées, succéder par exemple à la tête de la mythique collection Terre Humaine (Éditions Plon) à l’un de ses maîtres revendiqués Jean-Christophe Rufin. « Lorsque l’on me demandait ce que je souhaitais faire plus tard, je répondais toujours Jean-Christophe Rufin à la fois écrivain, médecin, diplomate et voyageur. » Aujourd’hui, âgé de 45 ans (25 juin), père de trois garçons et marié à une médecin radiologue, Philippe Charlier coche toutes les cases. Il a écrit une vingtaine d’ouvrages. Médecin, il a dirigé le service à l’hôpital de Nanterre qui accueille les hommes et femmes SDF. Il y a créé une consultation d’anthropologie médicale destinée aux migrants afin de contribuer à faire reconnaître leur statut de réfugiés. « L’enjeu était de préciser grâce à l’examen clinique et au savoir anthropologique, ce qui relevait du médical ou des traditions culturelles. En trois ans, nous avons rédigé plusieurs milliers de certificats. » Directeur de la recherche et de l’enseignement au musée du Quai Branly-Jacques Chirac, il administre la preuve de ses qualités de diplomate. À l’issue de notre rencontre un matin de juin dans son bureau végétalisé du musée, il accueillait un roi du Cameroun qui se faisait attendre. Enfin, il est membre de la Société de géographie et de la Société des explorateurs français. Bref, chaque compétence est mise au service d’un autre domaine de la connaissance. Cette agilité au voyage, à la transmission est-elle le fruit aussi de son expérience de médecin légiste où « l’on a l’habitude de passer du vivant au mort dans une correspondance que je qualifierais d’enrichissante ». Cette fragilité de la vie, Philippe Charlier l’a expérimentée. Lors de sa dernière journée de consultation comme médecin-chef de prison, un patient a tenté de l’assassiner. Le lendemain, il devait rejoindre le Quai Branly. La mort rôde. Est-ce la raison de sa fascination pour les traces ? « Elles me fascinent. Ma vie est dédiée à conserver des informations avant qu’elles ne disparaissent. C’est pour cela que je suis archéologue, médecin légiste avant que le corps ne retourne en poussière. Je suis hanté par la disparition des informations. » Comme une dernière image, un fil tendu entre le visible et l’invisible avant qu’il ne se rompe.
* Picasso sorcier, Philippe Charlier, Diana Widmaier Ruiz-Picasso, hors série Connaissance Gallimard, avril 2022, 160 pages, 22 euros.
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