Aujourd’hui, de nombreux médicaments aux modes d’actions différents permettent de cibler les nombreuses voies de prolifération cellulaire impliquant les voies de signalisation intracellulaires et également le microenvironnement tumoral.
Le rationnel pharmacologique de ces associations est de majorer l’activité antitumorale avec un effet cytotoxique additif (séquentiel, simultané, complémentaire) voire synergique. Chaque médicament de l’association est actif individuellement sur la tumeur considérée, les mécanismes d’actions justifiant les associations sont différents et complémentaires, sans compétition métabolique, sans résistance croisée connue. Ces associations ne doivent pas majorer la toxicité.
Après cet énoncé des grands principes, très loin de l’exhaustivité de l’ASH 2018, ont été choisies trois études évaluant cette stratégie thérapeutique dans les trois grands domaines de l’onco-hématologie : le myélome, le lymphome NH diffus à grandes cellules B et la LLC.
• « L’ajout de l’anticorps monoclonal anti-CD38, le daratumumab (Darzalex, Janssen) aux traitements standards (lénalidomide+dexaméthasone), amplifie les résultats positifs observés en termes de survie sans progression ou de décès dans le traitement du myélome multiple nouvellement diagnostiqué chez les sujets âgés > 65 ans inéligibles à l’autogreffe en raison de leur âge et de la présence de nombreuses comorbidités. Les inhibiteurs du protéasome ne font plus partie de l’association thérapeutique dans cet essai MAÏA (LBA [Late breaking abstract]#2) présenté en session plénière par le Pr Thierry Facon (hôpital Claude-Huriez, Lille) », a précisé le Dr Tiab Mourad (onco-hématologue, La Roche-sur-Yon). Cette étude internationale a randomisé 737 patients (âge médian de 73 ans) dans 2 bras : Dara + Revlimid (lenalidomide) + dexaméthasone (D-Rd, n = 368) versus Rd (n = 369). L’objectif principal était la survie sans progression, les objectifs secondaires étaient le taux de réponse globale, taux de la maladie résiduelle minimale négative (seuil 10-5), et le profil de tolérance. L’analyse intermédiaire après une médiane de suivi de 28 mois montre que l’ajout de DARA à Rd réduit le risque de progression de la maladie ou de décès de 45 % (HR :55 ; p < 0,0001) ; la médiane de survie sans progression est de 31,9 mois dans le bras Rd et n’est pas atteinte dans le bras D-Rd. Les taux de réponses complètes et partielles sont significativement en faveur du bras D-Rd (p < 0,0001). La stratégie DARA-Rd impacte plus fréquemment la maladie résiduelle minimale comparativement au Rd (24 % versus 7%). Le profil de tolérance du DARA est connu : on note davantage de grades 3/4 de pneumonie, de neutropénie et leucopénie dans le bras D-Rd. Ces données corroborent les résultats de l’étude de phase III, ALCYONE (abstract#156), D-VMP [Dara-Velcade(bortezomib) + Melphalan + Prednisone] versus VMP (association standard), en termes de SSP, de durée et de profondeur des réponses obtenues dans le bras D-VMP après un an de suivi.
•Dans les lymphomes diffus à grandes cellules B (LDGCB), l’étude CAVALLI (abstract#782) de phase 2, a évalué en première ligne l’association R-CHOP + vénétoclax (inhibiteur de BCL-2, Venclyxto, AbbVie). Les patients avaient un IPI > 2 - l’index pronostique international (IPI), tient compte de cinq variables préthérapeutiques (âge, nombre de localisations extra-ganglionnaires, stade, indice de performance et taux de LDH), permettant de déterminer le pronostic du malade et le traitement devant être administré. Cinquante-sept pour cent des patients étaient considérés BCL2+ [seuil immunohistochimique (IHC) à 50 %]. L’essai a inclus 208 patients. L’objectif principal était la réponse en fin de traitement selon les critères TEP de Lugano 2014. Le vénétoclax administré à la dose de 800 mg/j de J1 à J10 (J4-J10 pour le premier cycle) avec 6 × R-CHOP, a permis un taux de réponse complète de 69 % (versus 62,8 % pour l’étude référente GOYA (R-CHOP) pour l’ensemble de la cohorte. Ce taux est supérieur pour les sous-groupes BCL2+, notamment identifiés par FISH. Le vénétoclax ne semble pas bénéficier aux patients BCL2 négatifs en IHC. En termes de tolérance, toujours comparativement à la cohorte GOYA, les toxicités de grade 3-4 sont plus fréquentes (85 versus 66 %), notamment les neutropénies et les neutropénies fébriles. Ces toxicités ne conduisent pas à réduire les doses intensités du CHOP.
Même la thérapie cellulaire par CAR T-cells ne déroge pas à la loi des associations : des essais ont été présentés dans la LLC où l’ibrutinib a été administré avant l’aphérèse, ou encore dans les LAL de l’enfant où des check-point inhibiteurs, nivolumab ou pembrolizumab, ont été administrés afin de prolonger la durée de réponse.
• « Dans la LLC,a énoncé le Dr Tiab, le standard de traitement chez le sujet jeune < 65 ans est l’association fludarabine+cyclophosphamide+rituximab avec une médiane de survie sans progression de 5 à 7 ans chez les patients qui ne présentent pas de critères péjoratifs au niveau cytogénétique : la delétion du 17p et mutation de la protéine p53, ces anomalies sont réalisées en routine. La présence de la mutation d’un gène des immunoglobulines est un facteur prédictif de réponse à cette asssociation. »
Quand les associations sont challengées par les monothérapies
L’étude conduite par le groupe coopérateur Alliance North American Intergroup (abstract#6, publiée dans le NEJM (1)).
C’est une étude contrôlée de phase III qui a comparé la survie sans progression de patients âgés (≥ 65 ans) présentant une leucémie lymphoïde chronique (LLC) nouvellement diagnostiquée et randomisés dans 3 bras de traitement : ibrutinib (n = 182), thérapie ciblée (inhibiteur de la Bruton tyrosine kinase) en monothérapie versus ibrutinib associé au rituximab (n=182) et versus bendamustine associé au rituximab (n = 183).
L’intérêt de cette étude était non seulement de comparer l’ibrutinib à la chimio-immunothérapie mais également d’établir ou pas l’impact sur la survie sans progression (SSP) de l’ibrutinib associée au rituximab, anti-CD20.
A 2 ans de suivi, la survie sans progression est significativement supérieure avec l'ibrutinib (87 %, HR = 0,39 ; p < 0,001) et avec ibrutinib + rituximab (88 %, HR = 0,38 ; p < 0,001) comparativement au bras de chimio-immunothérapie, bendamustine + rituximab (74 %). Une réduction du risque de progression de la maladie ou de décès de plus de 60 % est obtenue dans les bras ibrutinib versus le bras chimio-immunothérapie. En revanche, il n’y avait pas de différence significative entre le bras ibrutinib + rituximab versus ibrutinib en monothérapie, rendant discutable le rituximab dans une telle population. La médiane de survie globale n’est atteinte pour aucun bras thérapeutique (p = 0,87).
• Des essais CAR T-cells and Co…
Enfin, même la thérapie cellulaire par CAR T-cells ne déroge pas aux essais d’associations : des essais ont été présentés dans la LLC où l’ibrutinib a été administré avant l’aphérèse, ou encore dans les LAL de l’enfant où des check-point inhibiteurs, nivolumab ou pembrolizumab, ont été administrés afin de prolonger la durée de réponse.
Au vu de ces résultats, il est difficile de s’y retrouver dans cette kyrielle d’essais d’associations.
A l’évidence, l’histoire des associations thérapeutiques est en train de s’écrire. La séquence optimale de ces stratégies reste encore à déterminer pour la plupart des cancers. « Il y a un défaut d’utilisation de modèles mathématiques et d’outils issus de l’intelligence artificielle pour aider les cliniciens et les investigateurs des essais à mieux combiner les drogues », a évoqué le Dr Joseph Ciccolini (AP-HM, Aix-Marseille).
L’idéal serait que ces associations thérapeutiques puissent permettre des fenêtres thérapeutiques ou une désescalade thérapeutique chez certains patients présentant des réponses complètes avec des biomarqueurs pronostics favorables.
(1) Woyach Jennifer A et al. N Engl J Med. December 1, 2018. DOI: 10.1056/NEJMoa1812836.
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation