« Manque de réactivité ». Dans un rapport publié ce mardi, l’Igas dénonce une certaine inertie des autorités sanitaires et des fabricants face aux effets teratogènes des médicaments à base valproate de sodium.
Alors qu’au cours de ces 40 dernières années les signaux scientifiques se sont multipliés, « les alertes ont été, au plan français et européen, motivées davantage par des signaux exogènes, notamment médiatiques, que par une prise en compte des données de pharmacovigilance et des publications scientifiques » pointent les rapporteurs de l’Igas.
Présent dans plusieurs spécialités pharmaceutiques, le valproate de sodium a d’abord été commercialisé, en 1967, comme antiépileptique. Son indication a ensuite été élargie au traitement des troubles bipolaires. Ses effets tératogènes malformatifs (spina bifida notamment) ont été pointés du doigt dès le début des années 1980 et documentés plus précisément au fil des années 1980 -1990.
La détection des risques neuro-développementaux pour les enfants nés de mères traitées par valproate a été plus tardive, les premières données datant du début des années 2000.
Retards d’information
Cependant, dès 2004, "l'accumulation des signaux justifiait des mesures d'information", qui n'ont pas été pleinement mises en œuvre estime l’Igas. Et de dénoncer plus largement « des retards dans la prise en compte des données acquises de la science, notamment dans les années 1990, où l’intégralité des malformations n’est pas renseignée, et au début des années 2000 où les risques de retards de développement ne sont pas mentionnés ». Dans plusieurs pays européens, ces risques sont évoqués dès 2003-2004, alors qu'il faut attendre 2006 en France pour qu’ils apparaissent noir sur blanc dans les RCP et dans la notice patient.
Lenteurs et contraintes administratives
[[asset:image:9096 {"mode":"small","align":"left","field_asset_image_copyright":["PHANIE"],"field_asset_image_description":["Entre 425 et 450 enfants expose\u0301s in utero au valproate entre 2006 et 2014 seraient porteurs de malformations conge\u0301nitales."]}]]« L’absence de formalisation d’une doctrine en matière de pharmacovigilance, un cadre juridique européen contraignant et une certaine lenteur administrative, commune aux institutions nationales et communautaires, en sont des facteurs explicatifs » jugent les experts de l’Igas qui saluent a contrario le travail du Centre de référence sur les agents tératogènes (CRAT), « unanimement reconnu comme une source d’information fiable et réactive sur le sujet ».
Les positions parfois divergentes de la HAS et de l’ANSM sur les conditions de prescriptions de ces médicaments ont aussi pu contribuer à une certaine confusion estime le rapport.
Des mesures utopiques ?
Le travail de l’Igas pointe par ailleurs un certain mésusage notamment en psychiatrie. « Il apparait que le médicament est largement prescrit en psychiatrie, parfois hors de l’indication retenue par l’autorisation de mise sur le marché » indique le rapport. « Le caractère indispensable du valproate de sodium pour certaines patientes, qui ne fait pas débat en matière d’épilepsie, gagnerait à être réexaminé en psychiatrie ».
Et si les prescriptions de valproate chez les femmes en âge de procréer (15-49 ans) ont globalement baissé en France de 25% entre 2006 et 2014 ( leur nombre est passé de 125.000 en 2006 à 93.000 en 2014), cette baisse a été nettement plus faible pour les prescriptions de valproate dans les troubles bipolaires qui représentent désormais la "majorité" des prescriptions.
Ironie du sort, ce sont pourtant les psychiatres qui sont désormais seuls aux commandes avec les neurologues et les pédiatres pour les primo-prescription de ces médicaments chez les femmes en âge de procréer .
Suite à un arbitrage européen, les conditions de prescription et de délivrance des spécialités à base de valproate et de leurs dérivés sont en effet plus encadrées. Depuis Mai 2015, ces médicaments ne doivent plus être prescrits chez les filles, adolescentes, femmes en âge de procréer et femmes enceintes, sauf en cas d’inefficacité ou d’intolérance aux alternatives médicamenteuses. Le cas échéant, la prescription initiale doit être faite par un spécialiste en neurologie, psychiatrie ou pédiatrie, selon l’indication et nécessite l’information des patientes et le recueil d’un accord de soins. L'intérêt de la prescription doit être réévaluée annuellement par un spécialiste.
Cependant, « Les délais restreints d’application, l’insuffisance de spécialistes dans certains départements et le manque d’information des patients et des prescripteurs sont susceptibles de limiter l’efficacité de ces mesures » craignent les rapporteurs de l’Igas. Suite à un sondage réalisé en Octobre 2015 dans les officines, l’ANSM avait d’ailleurs tiré la sonnette d’alarme , une grande majorité des pharmaciens (77%) et des patients (62%) interrogés ne connaissant pas à l’époque les nouvelles conditions de prescriptions.
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