Courrier des lecteurs

Trop d'anglicisme dans la littérature scientifique

Publié le 26/06/2019

Cassons la boucle de recopiages d'inexactitudes observées d'article en article.

Ainsi, pour le traitement du diabète… Une boucle, c'est nécessairement fermé, par définition. Sinon, ce n'est pas une boucle ! Donc une « boucle fermée » est un terme aussi absurde que le serait une « droite ouverte » ! Un chat est un chat ; il faut appeler une boucle une boucle. (1)

Ça vaut aussi en général pour les multiples « au jour d'aujourd'hui » témoignant de sa propre incompréhension par l'orateur de ce qu'il profère. ( Et pourquoi pas aussi « d’hui-d’hui » ?). Ou encore pour « la file active », cette traduction ratée de « active files » signifiant « dossiers en cours » (eh non, il ne s'agit pas de la queue de patients dans le couloir !).

Comme aux remises des prix de fin d'année, devrait-on offrir un petit Larousse aux candidats lors du doctorat ? Ou les inviter à la « boucler » au lieu d'employer de faux anglicismes qui les ridiculisent ?

Notons qu'un autre anglicisme a déjà pourri le français : « finaliser » ; le proverbe « La fin justifie les moyens » signifie « le but justifie les moyens employés pour y parvenir » ; oui : dans notre langue, « finaliser » signifie « donner un but, un sens » ; alors que c'est en anglais qu’il signifie « achever » et pas en français. L'employer dans le sens anglais est un snobisme qui semble bien s'incruster jusque dans le discours de nos ministres, ignorant visiblement l'existence des verbes achever, terminer, clore, aboutir, etc. Donc on ne finalise pas une étude : on la termine. Sa finalité (son but) est à fixer au préalable, avant de l'initier, sans quoi elle est réputée non éthique et illégale.

Prendre un mot pour un autre vicie la compréhension, voire à terme la pensée. Ces anglicismes nous envahissent ! Leur climat détermine aussi la fonte des adjectifs : « en charge de »,  «en capacité de », ces termes lourdingues remplaçant nos élégants « chargé de » et « capable de » ; Notre langue s'en trouve « handicapée »... Mais devons-nous déjà dire (pour faire chic ou instruits ) : «en situation de handicap » ? ) Sommes-nous devenus linguistiquement des nains ? Pardon… des « personnes de petite taille » ?

J’allais écrire « et en même temps » pour paraphraser les discours ambiants…

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(1) Le premier article décrivant ladite boucle a été publié il a 39 ans dans la revue « propos sur le diabète » publiée par les laboratoires Pfizer. C'était sous ma plume. Que n’ai-je passé immédiatement à l’Institut de la Propriété Intellectuelle ! J’y préconisais aussi la généralisation de l’usage de l’HbA1c. En exergue, la rédaction y précisait que « ces élucubrations » n'engageaient que moi. Il ne faut donc pas avoir près d'un demi-siècle d’avance ! Qu’on ne trouve donc pas en contrepartie que mes propos de ce jour sont ceux d’un ringard !

Dr Alain Wurtz, Médecin généraliste, Strasbourg (68)

Source : Le Quotidien du médecin: 9757