Y a-t-il un lien entre les vaccins Comirnaty de Pfizer et Spikevax de Moderna et certains cas de surdité brusque récemment observés ? Dans son dernier point de situation sur la surveillance des vaccins anti-Covid, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) revient sur cette question et conclut, après une analyse spécifique des cas déclarés, à un signal potentiel.
144 cas analysés
Au total, 115 cas graves de surdité observés chez des sujets immunisés avec le vaccin de Pfizer et 29 cas graves et non graves rapportés après vaccination par Moderna ont été passés au crible par plusieurs centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV) rapporteurs, en collaboration avec deux ORL.
Résultat : « À ce stade, le lien de causalité entre ces vaccins et les cas de surdité n'est pas établi », résume l’ANSM. Cependant, « les caractéristiques cliniques des cas, notamment le délai de survenue (< 21 jours), l’absence d’antécédent (audiologique, otologique et cardiovasculaire) dans la plupart des cas, ainsi que les données de la littérature font de ces événements un signal potentiel ».
Pas de profil de risque particulier
Pour le vaccin Comirnaty, les cas analysés concernaient 50 hommes et 65 femmes, d’âge médian de 52 ans. Un peu moins de la moitié (54) étaient survenus après la première dose, 48 après la deuxième et 12 après le rappel. Près d’un tiers (38) des personnes concernées s’étaient rétablies sans séquelles, 4 avaient gardé des séquelles (nécessité d’appareillage) et 71 n’étaient pas rétablies au moment de la déclaration.
Pour Spikevax, les cas étaient survenus chez 14 hommes et 15 femmes, d’âge médian de 51 ans, dont 13 après la première dose, 12 après la deuxième et 2 après le rappel (pour 2 cas, l’information n’était pas disponible). Au moment de la déclaration, 14 patients n’étaient pas rétablis alors que 8 avaient recouvert l’audition (2 cas d’évolution inconnue).
Les données recueillies n'ont pas mis en évidence de profil de risque particulier.
Une fréquence de survenue très rare
Compte tenu du nombre d’injections réalisées au 2 février (n = 105 616 980 pour Comirnaty et 22 690 893 pour Moderna), le taux de notification de cas graves de « surdité » a été estimé à 0,16/100 000 pour Comirnaty et celui de cas de « surdité » à 0,22/100 000 pour Spikevax.
Ce résultat constitue toutefois « une estimation a minima compte tenu d’une éventuelle sous-notification et de la sélection des cas uniquement avec données "robustes" », préviennent les CRPV. De plus, « beaucoup de cas ont été déclarés après le gel de la base de données en février 2022, suite à la médiatisation de ce type d’effets indésirables ne figurant pas dans le champ d’analyse », du moins pour Spikevax. Par ailleurs, « on ne dispose pas de données précises sur l’incidence des troubles d’audition en France pour une comparaison au risque de surdité dans la population générale ».
Quoi qu’il en soit, ces données suggèrent « une fréquence de survenue très rare » de cet évènement indésirable après vaccination par Comirnaty comme par Moderna.
Un lien de causalité qui ne peut pas être exclu
Et à ce stade, « l’analyse fine de chaque cas ne permet pas d’exclure un lien de causalité ». Dans ce contexte, l’ANSM conclut à un signal potentiel et appelle, devant toute suspicion de surdité après la vaccination contre le Covid, à « consulter un médecin généraliste ou un ORL » et à déclarer cet événement sur le portail du ministère chargé de la Santé.
En février 2002, un rapport de l’OMS avait déjà évoqué la détection d’un signal concernant des pertes d’audition et acouphènes après une vaccination contre le Covid-19, nécessitant une investigation.
À l’international quelques travaux se sont aussi penchés sur la question, dont deux études de pharmaco-épidémiologie. La première, menée en Israël et portant uniquement sur le vaccin Comirnaty, concluait à un excès de risque « pas très élevé » en comparaison aux données des années précédentes. La seconde, conduite aux Etats-Unis, retrouvait un taux de survenue inférieur à celui historiquement décrit dans la population générale. Dans tous les cas, les auteurs soulignaient la nécessité de mener des investigations supplémentaires.
Comme le rappellent les CRPV, « divers médicaments peuvent entraîner une ototoxicité », les plus décrits étant les anti-infectieux avec les aminosides ou les macrolides, les sels de platine, les immunosuppresseurs, les diurétiques de l’anse, certains AINS et la quinine et dérivés utilisés comme antipaludéens.
Par ailleurs, plusieurs études évoquent un risque de survenue d’une surdité après une infection par la SARS-CoV-2. Selon les auteurs, le virus pourrait affecter l’audition soit directement par infection, soit indirectement par différents mécanismes : thrombose de la microcirculation au niveau de l’oreille, atteinte du centre auditoire au niveau du lobe temporal, ou atteinte directe des cellules cochléaires en lien avec le neurotropisme du virus.
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