Apparue en 2003, l’usage de la e-cigarette croit de façon exponentielle et ce dans tous les pays : 5% des adultes européens soit 25 millions d’Européens l’ont essayée (1) alors que la vente de cigarette diminue de manière parallèle avec une baisse annoncée de 8,6% en 2013 selon l’Eurobaromètre 2012. Pourtant, l’essor de cette nouvelle venue divise jusqu’au monde médical et scientifique. Certains utilisateurs se plaignent lors de son utilisation d’irritation des voies respiratoires et oculaires. Que doit répondre le médecin devant ces symptômes ? Que devons-nous conseiller aux utilisateurs de la cigarette électronique ? Finalement, que savons-nous sur son contenu, ses effets et ses réels bénéfices ?
La e-cigarette est composée de propylène glycol, de glycérol, d’arômes variés, de nicotine dont la dose est variable en fonction du consommateur et surtout de vapeur d’eau distillée. Chacun de ces composants a un effet nocif soit sur les voies respiratoires, le système cardio-vasculaire et un pouvoir cancérigène non négligeable (2,3). Que savons-nous réellement des risques encourus? De multiples études ont étudié les réactions chimiques de chaque composant.
Moins nocive que la vraie cigarette
Dans la majorité des cas, les analyses chimiques et toxiques des différentes molécules contenus dans le e-liquide (4,5,6) admettent la chose suivante : la e-cigarette n’est pas dénuée de risques mais ses risques sont moindres comparées à la cigarette. En effet, les pathologies liées à la cigarette sont attribuées à la réaction de stress oxydatif, à l’activation du système inflammatoire et à la toxicité des plus de 4000 molécules et aux agents cancérigènes présents dans la fumée de cigarette. Ces composants chimiques sont émis au moment de la combustion de la cigarette, un processus absent dans la cigarette électronique (7,8).
Les nitrosamines spécifiques du tabac reconnus comme hautement cancérigènes sont également présents dans la e-cigarette. Cependant, les doses retrouvées sont infiniment moins importantes que dans une cigarette. Le taux de nitrosamines estimé dans une cigarette est 1800 fois plus élevé que dans une cigarette électronique (9). Les multiples études (10,11,12,13) sur les différents composants chimiques, leur toxicité et les pathologies induites sont toutes unanimes : la e-cigarette est moins nocive que la cigarette.
Lors de son utilisation, il a été retrouvé la présence d’émission de composants volatils organiques, de fines particules et d’ultra fines particules responsables de lésions pulmonaires et de pathologies cardiaques. Or, là encore, les taux retrouvés sont ici aussi bien plus faibles que dans une cigarette normale (14).
Difficile de prédire les risques à long terme
Plusieurs problèmes sont à noter néanmoins sur les modalités des analyses effectuées : l’étude in vivo est difficile, voire impossible, rendant les résultats moins probants. De la même façon, chaque composant a été étudié en tant que tel et non pas dans le contexte de vaporisation, d’évaporation et de chaleur. En effet, on sait que la combustion provoque les réactions chimiques induisant la formation et la libération de nombreuses particules dangereuses. On ne sait pas si l’évaporation des composants est aussi toxique.
[[asset:image:3326 {"mode":"small","align":"right","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":[]}]]Une question importante reste également en suspens concernant les arômes utilisés. Ces derniers sont validés dans l’industrie agro-alimentaire, mais les conditions d’utilisation y sont différentes. Aucune étude n’a permis aujourd’hui de préciser si, sous forme d’évaporation, les arômes peuvent être nocifs. Enfin, et surtout, aucune étude n’est capable de prédire les risques à long terme à ce jour.
Une alliée pour le sevrage ?
Néanmoins, plusieurs auteurs (15, 16, 17, 18) ) sont d’accords pour confirmer la diminution voire l’arrêt de consommation tabagique sur plusieurs mois. Un réel progrès par rapport aux traitements de substitution. Une hypothèse à cette avancée est contenue dans l’effet de la nicotine sur notre cerveau. Elle stimule les neurones adrénergiques et dopaminergiques du système méso limbique. Ce qui veut dire renforcement de la notion de plaisir et de récompense. L’existence de Mono Amine Oxydase (MAO) empêche l’induction adrénergique et dopaminergique en transformant la nicotine en métabolite inactif. Or, le tabac retrouvé dans une cigarette contient des MAO inhibiteur. Aucun MAO-inhibiteur dans la e-cigarette.
Un autre point relativement peu évoqué est celui du tabagisme passif. Appelé vapotage passif pour la cigarette électronique, il représente une toxicité bien plus faible en comparaison à la fumée d’une cigarette de 5 à 40 fois moins élevé (19, 20, 21). La libération de métaux lourds s’évaporant dans l’air ne représenterait donc pas un risque pour la santé. Des études à long-terme devraient le confirmer. Des réglementations devraient voir le jour concernant le droit de « vapotage » publique (22).
[[asset:image:3331 {"mode":"small","align":"left","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":[]}]]Enfin, se pose le problème de la libération selon le désir du patient de nicotine. Les nouvelles cigarettes électroniques permettent de délivrer des doses de nicotine variables en fonction des besoins du fumeur. (23). Cependant, à haute dose, les risques d’intoxications sévères sont présents. De la même façon, un réel danger existe en cas de contact de nicotine contenu dans le e-liquide sur la peau avec une absorption cutanée et un risque de surdosage (24). Une vraie réglementation du taux de nicotine autorisée doit être étudiée (25).
Notons également que la cigarette électronique est un système à batterie de lithium avec des risques d’explosion comme il a été rapporté le 6 septembre à Limoges où une femme a été brûlée au 3e egré par l’explosion de la batterie. Fait également relaté par plusieurs auteurs.
L’avènement de la e-cigarette est donc une révolution dans l’entreprise anti-tabac avec une régression de la consommation de tabac. Néanmoins, il faudra dans l’avenir analyser les risques encourus à long terme et créer une réglementation optimale pour un bénéfice sûr.
1- Henningfield JE, Zaatari GS. Electronic nicotine delivery systems: emerging science foundation for policy. Tob Control. Apr 2010;19(2):89-90
2- Palazzolo Dominic L. Electronic cigarettes and vaping : a new challenge in clinical medicine and public health. A literature review. Frontiers in public health. 2013 ;18 ,1-56,
3-Farsalinos KE, Polosa R. Safety evaluation and risk assessment of electronic cigarettes as tobacco cigarette substitutes: a systematic review, Therapeutic advances in drug safety. 2014 Apr;5(2):67-86
4-Cahn Z, Siegel M. Electronic cigarettes as a harm reduction strategy for tobacco control: a step forward or a repeat of past mistakes? Journal of public health policy. 2011 Feb;32(1):16-31
5- Kim HJ, Shin HS. Determination of tobacco-specific nitrosamines in replacement liquids of electronic cigarettes by liquid chromatography-tandem mass spectrometry, Journal of chromatography.A. 2013 May 24;1291:48-55
6- Etter JF, Zäther E, Svensson S. Analysis of refill liquids for electronic cigarettes, Addiction. 2013 Sep;108(9):1671-9
7-Environmental Protection Agency (1992) EPA Report/600/6-90/006F. Respiratory health effects of passive smoking : lung cancer and other disorders. Washington, DC., Pryor W, Stone K. Oxidants in cigarette smoke : radicals, hydrogen peroxide, peroxynitrate, and peroxynitrite. Annals of the new york academy of sciences. 1993 May 28;686:12-27
8- Vansickel AR, Cobb CO, Weaver MF, Eissenberg TE. A clinical laboratory model for evaluating teh acute effects of electronic « cigarettes » : nicotine delivery profile and cardiovascular and subjectifve effects. Cancer epidemiol biomarkers Prev. 2010 Aug;19(8):1945-53
9- Kim HJ, Shin HS. Determination of tobacco-specific nitrosamines in replacement liquids of electronic cigarettes by liquid chromatography-tandem mass spectrometry, Journal of chromatography.A. 2013 May 24;1291:48-55
10-Burstyn I. Peering through the mist: systematic review of what the chemistry of contaminants in electronic cigarettes tells us about health risks. BMC public health. 2014 Jan 9;14:18,
11- Goniewicz M, Knysak J, Gawron M, Kosmider L, Sobczak A, Kurek J et al. Levels of selected carcinogens and toxicants in vapour from electronic cigarettes. Tobacco control. 2014 Mar;23(2):133-9
12- Palazzolo Dominic L. Electronic cigarettes and vaping : a new challenge in clinical medicine and public health. A literature review. Frontiers in public health. 2013 ;18 ,1-56
13- Farsalinos KE, Polosa R. Safety evaluation and risk assessment of electronic cigarettes as tobacco cigarette substitutes: a systematic review, Therapeutic advances in drug safety. 2014 Apr;5(2):67-86
14- Ruprecht AA, De Marco C, Pozzi P, Munarini E, Maaza R, Angellotti G, Turla F, Boffi R. Comparison between particulate matter and ultrafine particle emission by electronic and normal cigarettes in real-life conditions. Tumori. 2014 Jan-Feb;100(1):e24-7
15- Polosa R, Caponnetto P, Morjaria JB, Papale G, Campagna D, Russo C. Effect of an electronic nicotine delivery device (e-Cigarette) on smoking reduction and cessation: a prospective 6-month pilot study. BMC Public Health. 2011 Oct 11;11:786
16- Polosa R, Morjaria JB, Caponnetto P, Campagna D, Russo C, Alamo A, et al. Effectiveness and tolerability of electronic cigarette in real-life: a 24-month prospective observational study. Internal and emergency medicine. 2014 Aug;9(5):537-46
17- Caponnetto P, Campagna D, Cibella F, Morjaria JB, Caruso M, Russo C, et al. Efficiency and safety of an electronic cigarette (ECLAT) as tobacco cigarettes substitute: a prospective 12-month randomized control design study. Plos One. 2013 Jun 24;8(6):e66317
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