Triathlètes malades : faut-il revoir les méthodes d’évaluation du risque microbiologique ?

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Publié le 05/08/2024

Après les épreuves de triathlon du 31 juillet, plusieurs athlètes sont tombés malades, sans lien de causalité établi avec leur baignade dans la Seine. Une prépublication remet tout de même en cause l’exhaustivité des méthodes actuelles de dosage des bactéries fécales : le risque pourrait être sous-estimé.

Plusieurs triathlètes sont malades mais le lien avec la Seine n’est pas établi

Plusieurs triathlètes sont malades mais le lien avec la Seine n’est pas établi
Crédit photo : David Goldman/AP/SIPA

Malades, souffrant pour certains d’une infection gastro-intestinale, des triathlètes belges et suisses n’ont pas participé au triathlon mixte de ce lundi 5 août. Si les symptômes sont apparus à la suite de l’épreuve individuelle du mercredi 31 juillet, il n’est pas possible de statuer sur un lien direct entre la compétition et les infections. Mais des chercheurs mettent en évidence une limitation des méthodes de mesures bactériologiques réglementaires actuelles.

Des mesures qui sous-estiment le risque réel

L’entreprise Fluidion, qui publie en accès ouvert ses données de prélèvements dans la Seine au cours des JO, met en évidence un écart significatif, selon la méthode de dosage utilisée, entre les différents résultats de baignabilité du fleuve. En effet, la mesure de concentration des bactéries planctoniques (flottantes et agrégats de moins de 5 µm) est moins complète que la mesure exhaustive incluant les bactéries accrochées à de plus gros agrégats (particules fécales ou sédimentaires). Le 31 juillet par exemple, à l’occasion des deux épreuves de triathlon (féminine et masculine), si la qualité de l’eau était acceptable avec le dosage planctonique d’E. coli, ce n’était pas le cas du résultat de la méthode exhaustive.

Des scientifiques de Fluidion ont mis en ligne une prépublication sur BiorXiv le 31 juillet. Les auteurs arguent que les méthodes actuelles de mesures sont limitées et ne peuvent pas mesurer les bactéries agrégées (matière fécale, sédiments). « Le suivi de la qualité microbiologique de l’eau est critique pour gérer le risque de maladies hydriques. À ce jour, les régulations se reposent sur la quantification des bactéries indicatrice fécales cultivables en utilisant des méthodes de cultures traditionnelles », lit-on dans le préprint. Le risque est une sous-estimation du risque d’exposition aux entérobactéries pathogènes, que les chercheurs qualifient de « substantielle » et pouvant « fausser sévèrement les évaluations de santé publique ». La proportion d'agrégats et de biofilms bactériens (communautés multicellulaires de bactéries) a été estimée entre 40 et 80 % et ces derniers sont presque omniprésents dans des environnements hydriques variés (naturel, urbain, eaux usées).

Concentration bactérienne en zone grise lors des triathlons

Le triathlon mixte a pris place ce matin. Les mesures réalisées la veille par Fluidion montrent un taux de bactéries par dosage planctonique qui respecte les seuils, mais une concentration supérieure à la norme par l’approche exhaustive. « Ces résultats nous placent encore une fois dans la même zone grise observée lors des épreuves du 31 juillet », explique l’entreprise sur sa page de suivi bactériologique de la Seine. « Puisque les bactéries en agrégats ne sont pas visibles avec les méthodes de laboratoire, le risque n’est pas reflété et est donc inconnu. »

Au vu du conflit d’intérêts des auteurs et de l’absence de révision par les pairs, les conclusions de l’étude sont à prendre avec précaution. Mais la question soulevée mérite d’être étudiée pour améliorer la stratégie de prévention du risque de maladies hydriques.


Source : lequotidiendumedecin.fr