Les retards accusés dans le diagnostic des cancers pendant la première vague pourraient provoquer, en France, un excès de 1 000 à 6 000 décès dans les années à venir. C’est du moins ce que prévoit une étude d’Unicancer dont les résultats ont été présentés ce matin lors d'une conférence de presse par le Pr Jean-Yves Blay.
Ce travail de modélisation s’appuie en fait sur des statistiques réelles, qui reflètent l’impact de la première vague de Covid-19 sur les retards de diagnostic, explique le Président du réseau des centres de lutte contre le cancer. Alors que le nombre de nouveaux diagnostics de cancer tendait à augmenter ces dernières années, au cours des 7 premiers mois de 2020, les centres Unicancer, qui prennent en charge près d'un quart des patients suivis en France pour un cancer, auraient en effet observé, comme l’indique le Pr Blay, « un déficit de 7 % de nouveaux diagnostics ». Et ce chiffre apparaîtrait bien en deçà de la moyenne française obtenue collectivement par tous les hôpitaux ou cliniques, qui atteindrait 23 % de déficit de prise en charge par rapport à l'année précédente.
Les auteurs de l’étude auraient ensuite fondé leurs projections sur les résultats d’une méta-analyse parue cet automne dans le BMJ, qui met en évidence un excès de mortalité de 10 % par mois de retard de prise.
Résultat : les retards de diagnostic pris en France de janvier à juillet pourraient augmenter le risque relatif de mortalité par cancer d’une telle façon qu’un excès de 1 000 à 6 000 décès — 1 000 dans l'hypothèse optimiste d'un déficit de diagnostic de 7 %, et 6 000 dans l'hypothèse d'un déficit de 23 % — pourrait être observé dans le futur.
Des patients pas tous égaux
Ces chiffres masquent toutefois que les conséquences de la crise sanitaire ne devraient pas être identiques pour tous les patients atteints de cancer.
Et ce d’abord, comme le suggère le différentiel de 16 % obtenu entre les données du réseau Unicancer et les autres centres français d’oncologie, parce que la première vague n’a pas touché à parts égales tous les types d'établissements. « Les CHU, les centres hospitaliers, les hôpitaux généraux publics ont été les plus impactés par la première vague », indique en effet Axel Kahn, Président de la Ligue contre le cancer, présent lors de la conférence de presse. À l’inverse, les cliniques privées et les centres de lutte contre le cancer, moins réquisitionnés, auraient été moins touchés par la crise sanitaire.
Si un nombre important de reports aurait été comptabilisé en région Ile de France et dans le Grand Est, d’autres centres situés ailleurs en France auraient été moins impactés par la crise, indique le Président de la Ligue contre le cancer.
Un impact moindre de la seconde vague ?
Plus d’un mois après le reconfinement de la population française, reste aussi à savoir comment la deuxième vague pourrait influencer les prévisions des chercheurs.
Pour Jean-Yves Blay, cette seconde vague pourrait se révéler moins délétère que la première. « L’impression que l’on a – mais aucune étude n’a encore été réalisée à ce sujet – est […] que la magnitude des retards [accusés cet automne] est moins importante », estime-t-il, avançant que les patients semblent « arriver davantage » jusqu’aux centres de diagnostic qu'au printemps.
Une opinion pas totalement partagée par Axel Kahn, qui rappelle que la seconde vague a surtout touché des régions différentes de la première. « En région lyonnaise […], dans les hôpitaux généraux, les examens de diagnostic sont restés très difficiles », rapporte-t-il, citant en particulier les endoscopies pour cancer colique et les colposcopies, « très déficitaires ».
En fait, ce qui semble inquiéter particulièrement les deux médecins, c’est que les retards pris pendant la première phase de l’épidémie n’auraient pas été rattrapés, et pourraient s’accumuler. Par exemple, dans les centres Unicancer, un pic de 20 % de déficit de diagnostic observé sur la période d’avril-mai n’aurait pas été compensé par une hausse de 20 % des diagnostics en juin-juillet, rapporte le Pr Blay.
Quoi qu'il en soit, même dans des départements épargnés par les deux vagues épidémiques comme le Finistère, « des cancérologues […] voient arriver des patients présentant des stades d’évolution [de leur cancer] dont ils avaient presque oublié l’existence », s’inquiète Axel Kahn.
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