Nous souhaitons attirer votre attention sur une tribune publiée le 2 janvier 2025 sur le site Atlantico, intitulée « Déferlante de drogues sur la France : ces graves erreurs commises par l’État dans la lutte contre la toxicomanie » et signée par le Dr Jean Costentin, membre de l’Académie nationale de médecine et de l'Académie nationale de pharmacie.
Cette tribune soulève de graves inquiétudes non seulement pour les thèses qu’elle soutient, mais également pour le ton et les propos employés, qui nous semblent incompatibles avec les valeurs et la déontologie des deux Académies.
La politique de réduction des risques a diminué les overdoses et la transmission du VIH
Le Dr Costentin y défend une approche répressive comme seule réponse aux conduites addictives, une position simpliste et largement infirmée par les données scientifiques et les expériences historiques. Si le droit au débat d’idées est fondamental, les arguments avancés par l’auteur sont dépourvus de fondement scientifique et se trouvent au service d’une idéologie incompatible avec les missions de l’Académie.
Un des acquis majeurs de la lutte contre les addictions est la politique de réduction des risques, mise en œuvre dans les années 1980 face à l’épidémie de VIH. La distribution de seringues stériles et l’introduction de traitements de substitution comme la buprénorphine haut dosage (BHD) ont permis une réduction spectaculaire des overdoses (divisées par cinq) et de la transmission du VIH chez les usagers de drogues par voie intraveineuse. Ces résultats ont non seulement sauvé des vies mais ont également bénéficié à la population générale en interrompant une chaîne de transmission majeure.
Des réalités scientifiques déformées
Dans sa tribune, le Dr Costentin remet en question cette politique, avançant sans preuves que la buprénorphine haut dosage alimenterait principalement un marché parallèle et encouragerait la consommation de drogues. Ces accusations, dénuées de données étayées, déforment les réalités scientifiques et compromettent la compréhension d’une approche ayant fait ses preuves.
Le Dr Costentin va plus loin en suggérant que les personnes souffrant d’addictions devraient être soumises à une contraception obligatoire pour éviter la transmission de leurs « tares » à leur descendance. Cette proposition relève d’une idéologie eugéniste inacceptable, rappelant des politiques mises en œuvre par des régimes totalitaires. Une telle position est contraire à l’éthique médicale, à la dignité humaine et aux principes fondamentaux de notre société.
Des attaques personnelles
Enfin, l’auteur se livre à des attaques personnelles en désignant nommément des personnalités publiques et scientifiques en raison de leurs patronymes, suggérant que leurs origines ou leurs appartenances culturelles seraient responsables des maux qu’il dénonce.
Par des expressions telles que « lutter contre le Cohn Banditisme, le déKouchneriser, le déBenyaminiser, le déLowensteiniser », le Dr Costentin s’en prend violemment à des individus avec des propos qui loin d’un simple débat d’opinion, alimentent des discours de haine et sont incompatibles avec les valeurs d’inclusivité et de rigueur scientifique qui doivent guider les membres de l’Académie nationale de médecine.
En tant que membre des Académies nationales de médecine et de pharmacie, le Dr Costentin engage, par ses prises de position publiques, la réputation et l’autorité de ces deux institutions. Il nous semble impératif que chacune des deux Académies prenne publiquement ses distances avec de telles affirmations et réaffirme son attachement à une démarche fondée sur des données probantes, le respect des droits humains et la neutralité scientifique.
Nous vous demandons respectueusement d’examiner si de tels propos et idéologies sont compatibles avec les devoirs et responsabilités d’un membre de l’Académie nationale de médecine. Une clarification publique serait essentielle pour préserver l’intégrité de cette prestigieuse institution.
« Une position éthiquement inacceptable », pour les Académies de médecine et de pharmacie
Les Académies de médecine et de pharmacie désavouent « totalement » les propos du Pr Costentin par communiqués de presse. L’Académie de médecine, qui fait des addictions aux drogues licites et illicites sa grande cause pour l’année 2025, « condamne fermement la position éthiquement inacceptable, complétée par des attaques personnelles ». Dans la même ligne, l’Académie de pharmacie souligne que la politique de réduction des risques mise en place dans les années 1980 est « l’une des avancées majeures dans la lutte contre les addictions », notamment avec l’introduction de traitements de substitution aux opiacés. Les deux institutions tiennent à rappeler les « valeurs humanistes » et « la rigueur scientifique », qu’elles promeuvent.
Dr Guillaume Airagnes, MCU-PH psychiatrie et addictologie, directeur de l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives
• Dr Bernard Angerville, MD PhD psychiatre et addictologue, université Paris Saclay, EPS Barthélemy Durand
• Pr Henri-Jean Aubin, professeur de psychiatrie et addictologie - Université Paris-Saclay.
• Pr Marc Auriacombe, PU-PH psychiatrie et addictologie, directeur du laboratoire Sanpsy (CNRS, Université de Bordeaux - UMR 6033) - CHU de Bordeaux
• Pr Nicolas Authier, président de la Fondation de recherche Analgesia, ancien président de la commission des stupéfiants et psychotropes
• Pr Nicolas Ballon, PU-PH de psychiatrie et addictologie - CHU de Tours.
• Dr Bernard Basset, président de l’Association Addictions France
• Pr Michel Benoit, chef du pôle Santé mentale, addictologie, légale, publique, intégrative CHU de Nice
• Dr Farid Benzerouk, MCU-PH Thérapeutique et Addictologie - CHU de Reims
• Dr Michaël Bisch, vice-président de la Fédération française d’addictologie, délégué à l’International Society of Addiction Medicine, membre de la section psychiatrie de l’addiction à la World Psychiatric Association
• Dr Nicolas Bonnet, directeur du Réseau des établissements de santé pour la prévention des addictions ; secrétaire général adjoint de la Fédération Française d’Addictologie
• Pr Marie Bronnec, psychiatre-addictologue CHU de Nantes, professeure d’addictologie à la faculté de Médecine de Nantes
• Pr Georges Brousse, ecrétaire général de la Société Française d’Alcoologie. Vice-Président du Collège Professionnel des Acteurs de l’Addictologie Hospitalière
• Pr Paul Brunault. Chef de service - Addictologie Hospitalière - CHU de Tours
• Dr Nicolas Cabe. MCU-PH Addictologie - CHU de Caen
• Pr Faredj Cherikh. professeur d’addictologie - CHU de Nice
• Pr Olivier Cottencin, président du Collège Universitaire National des Enseignants en Addictologie - CHU de Lille
• Dre Julia Daviau de Ternay. CCU-AH Psychiatrie et Addictologie - Hospices Civils de Lyon
• Pr Maurice Dematteis. Professeur de Pharmacologie et Addictologie. Secrétaire général adjoint de la Société Française d'Alcoologie. Membre de la World Association on Dual Disorders.
• Dre Anastasia Demina. CCU-AH Addictologie - CHU de Dijon
• Pr Alain Dervaux. Professeur de Psychiatrie et Addictologie, Université Paris-Saclay
• Pre Hélène Donnadieu. PU-PH d’Hépato-Gastro-Entérologie et Addictologie - CHU de Montpellier
• Pr Vincent Durlach. PU-PH de Thérapeutique et Addictologie - CHU de Reims
• Pr Mélina Fatseas. PU-PH de Psychiatrie et Addictologie. Présidente du Collège Professionnel des Acteurs de l’Addictologie Hospitalière. CHU de Bordeaux
• Pr Nicolas Franchitto. PU-PH de Thérapeutique et Addictologie - CHU de Toulouse
• Dre Aurélia Gay. Cheffe du service d'Addictologie - CHU de Saint-Etienne
• Pr Pierre-Alexis Geoffroy. PU-PH de Psychiatrie - Paris (AP-HP) -Université Paris Cité.
• Pr Olivier Guillin. Professeur de Psychiatrie. Chef de Pôle Psychiatrie Addictologie - CHU de Rouen
• Pre Morgane Guillou. PU-PH de Psychiatrie et Addictologie - CHU de Brest
• Dre Julie Giustiniani. MCU-PH de Psychiatrie et Addictologie - CHU de Besançon
• Pr Romain Icick. PU-PH Psychiatrie et Addictologie Université Paris Cité.
• Pr Nematollah Jaafari. Chef de Service Psychiatrie et Addictologie - CHU de Poitiers
• Pr Laurent Karila. Président de la Collégiale d’Addictologie (AP-HP) ; Porte-Parole de SOS Addictions
• Dr Jérôme Lacoste. Chef de Service - Service d’Addictologie - CHU de Martinique
• Pr Laurence Lalanne. PU-PH Psychiatrie et Addictologie - CHU de Strasbourg
• Pr Christophe Lancon. PU-PH Psychiatrie - Marseille (AP-HM)
• Dr Xavier Laqueille. Chef du Service Addictologie du GHU Sainte-Anne (Paris)
• Pr Michel Lejoyeux. PU-PH de Psychiatrie et Addictologie - Paris (AP-HP) -Université Paris Cité.
• Pr Amandine Luquiens. PU-PH de Psychiatrie et Addictologie - CHU de Nîmes
• Dr Léo Malandain. Psychiatre - Praticien Hospitalier. Unité Fonctionnelle de Psychiatrie-Addictologie
• Pre Catherine Massoubre. PU-PH de Psychiatrie. Responsable urgences psychiatriques, psychiatrie, dépendances et troubles des conduites alimentaires. CHU de Saint-Etienne.
• Dr David Mété. Chef de Service d'Addictologie. Chef de Pôle Adjoint Santé-Justice-Addictions. CHU Réunion
• Pr Romain Moirand. PU-PH Hépato-Gastro-Entérologie et Addictologie. Faculté de Médecine de Rennes. INRAE U1341 INSERM Univ Rennes Institut NUMECAN (Nutrition Metabolism Cancer)
• Pr Philippe Nubukpo. PU-PH Psychiatre Addictologue, Limoges
• Pr Mickael Naassila. Président de la Société Française d’Alcoologie. Président de la European Society for Biomedical Research on Alcoholism
• Pr François Paille. PU-PH de Thérapeutique et Addictologie - CHU de Nancy
• Pr Pascal Perney. PU-PH Addictologie. Chef du Service d’Addictologie - CHU de Nîmes
• Pr Benjamin Rolland. Secrétaire général de la European Federation of Addiction Societies
• Dr Gérard Shadili. Institut Mutualiste Montsouris. Secrétaire du Collège Universitaire National des Enseignants en Addictologie - Paris
• Dr Benoit Schreck. Psychiatre Addictologue, CHU Nantes et Nantes Université
• Pr Raymund Schwan. PU-PH de Psychiatrie, Université de Lorraine. Centre Psychothérapique de Nancy, Président de l’association AGU54 gestionnaire du CAARUD de Nancy
• Pr Benoit Trojak. PU-PH de Psychiatrie & Addictologie. Service Hospitalo-Universitaire d'Addictologie, CHU de Dijon
• Pr Florence Vorspan. PU-PH Psychiatrie et Addictologie - Hôpital Universitaire Fernand Widal (AP-HP)
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