La surmortalité à 5 ans pour les décès spécifiques par cancer liée aux retards de prise en charge provoqués par la première vague de l’épidémie de Covid-19 pourrait être d’environ 2 %. C’est ce que suggère l’étude préliminaire baptisée Grouvid présentée à l’occasion du congrès en ligne de la Société européenne d'oncologie médicale (ESMO), qui vient.
« Lors de la première vague, l’épidémie de Covid-19 a entraîné un bouleversement des soins pour les patients atteints de cancer : […] afin de limiter l’exposition des patients au risque de contamination, une partie des patients n’a pas réalisé ou retardé les examens de dépistage ou de diagnostic, certains ont interrompu ou décalé les traitements en cours pour leur cancer », rappelle l’Institut Gustave Roussy dans un communiqué. Dans ce contexte et à l'approche d'une éventuelle seconde vague épidémique, des chercheurs du Service de Biostatistique et d’Épidémiologie de l’Institut et de l’équipe Oncostat du CESP ont élaboré un modèle statistique de simulation visant à prévoir non seulement l’ampleur des files d’attente à l'IGR mais aussi les conséquences des retards liés à la première vague épidémique sur la santé des patients.
Une surmortalité liée à des indisponibilités tout au long de la « chaîne de diagnostic »
Les projections des chercheurs nourries par les données hospitalières enregistrées en routine à l’IGR, par des entretiens accordés par des cliniciens du centre et par des analyses de la littérature internationale, prédisent une augmentation de 2 % minimum de la mortalité. Ce chiffre pourrait être « optimiste » compte tenu d’une accumulation plus importante que prévu des retards de prise en charge, révèle la statisticienne Aurélie Bardet, qui a pris part à l'étude.
Cependant, ce qui semble plus certain, c’est que les conséquences de ces retards ne sont pas les mêmes pour tous les types de cancers. Les patients souffrant de cancers « ne pouvant pas souffrir de délais » tels que les cancers du foie, les sarcomes et les cancers de la tête et du cou pourraient être les plus concernés par la surmortalité, indique Aurélie Bardet.
« Mais ce qui nous a particulièrement surpris, c’est que les principaux retards de prise en charge ne venaient pas de l’Institut Gustave Roussy mais des patients eux-mêmes », s’étonne la chercheuse. Ces délais de diagnostic ou de prise en charge étaient, d’après elle, liés aussi en partie, à des facteurs psychologiques tels que la peur d’une contamination, mais aussi des retards en amont dans « les éléments préliminaires de la chaîne de diagnostic ».
Communiquer et s’organiser en prévision d’une seconde vague
Dans tous les cas, l’enjeu de tels travaux est non seulement d’organiser au mieux le traitement des patients ayant connu des retards de diagnostic ou de prise en charge à cause de la première vague, mais aussi d’éviter qu’un rebond épidémique ne cause plus de retards délétères pour la santé des patients atteints de cancer. « Ce sur-risque [de 2 %] pourrait augmenter en cas de deuxième vague et il sera important de tout mettre en œuvre pour maintenir le diagnostic et l’offre de soins en cancérologie », insiste l’Institut Gustave Roussy.
Le centre Gustave Roussy et les chercheurs prévoient que le modèle de simulation soit mis à jour, étendu à d’autres centres français ou européens et « développé pour déterminer le décalage maximum à ne pas dépasser, dans chaque situation clinique, pour minimiser l’impact sur la survie des patients ».
Dans cette optique, Aurélie Bardet évoque le rôle qu’ont à jouer les médecins généralistes dans la réduction des délais de diagnostic et de prise en charge. D’après elle, rester accessible « même à distance, en téléconsultation », le faire savoir aux patients et encourager ces derniers à se rendre dans les centres vers lesquels ils ont été adressés pourrait permettre à bien des individus de recevoir précocement des soins adaptés, même en temps de crise sanitaire.
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