La stratégie de dépistage massif sur laquelle s'appuie le gouvernement pour endiguer l'épidémie de Covid-19 est-elle vouée à l'échec ? Non, veulent croire l'Ordre des médecins et les acteurs de santé qui se mobilisent ces derniers jours pour trouver une organisation qui permettrait de tester, tracer, isoler, en masse les cas prioritaires dans des délais raisonnables. Car force est de constater que les laboratoires de biologie ne parviennent pas aujourd'hui à satisfaire dans un délai raisonnable la demande toujours croissante de dépistage des Français – plus de 1,2 million de tests RT-PCR ont été sollicités la semaine dernière.
Estimant prioritaire de freiner les chaînes de transmission du virus, l'Ordre des médecins, en partenariat avec les représentants des biologistes médicaux, le Collège de la médecine générale, la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF) mais aussi les autorités sanitaires (ANSM, Cnam, DGS, Santé publique France) ont proposé aux pouvoirs publics un dispositif national visant à garantir la réalisation des prélèvements et la délivrance des résultats sous 48 heures des tests RT-PCR des cas prioritaires. Seraient concernés les personnes munies d'une prescription médicale, les personnes identifiées médicalement comme symptomatiques, les cas contact avérés, les professionnels de santé et les aides à domicile exerçant auprès de patients fragiles.
La prise de rendez-vous, passage incontournable
Au terme d'une concertation de deux semaines, l'Ordre et ses partenaires estiment qu'il serait possible de garantir un délai raisonnable pour les prélèvements (sous 24 heures) et pour l'analyse et la remise des résultats des tests (sous 24 heures) et ainsi de renforcer le traçage des contacts en généralisant à l'échelle du territoire un modèle de plateforme de programmation de rendez-vous, déjà effectif en Ile-de-France depuis mi-août 2020.
Fonctionnant sept jours sur sept de 9h à 20 h, cette plateforme ne prend pas en compte les coups de fil de particuliers. Elle recueille uniquement les appels de médecins, qui transmettent les coordonnées des personnes ayant besoin d'un rendez-vous. Le centre d'appel contacte le laboratoire le plus proche du domicile qui confirme au patient concerné la date et l'heure de son rendez-vous. Le succès de ce dispositif, au niveau national reposerait sur l'adhésion des laboratoires de biologie et sur la mise en place d'une ligne téléphonique dédiée pour chaque laboratoire (ou réseau de laboratoires à l'échelle du département).
Afin de s'assurer la réussite de cette organisation, l'Ordre et les instances qui y ont planché, soulignent l'importance d'assurer une priorisation des tests « en amont de la présence des patients sur le site de prélèvement », arguant qu'il « n'est pas réaliste de refuser la réalisation du test une fois que les patients non prioritaires sont présents sur le site ».
Cette question de la stratégie de dépistage massif, confortée ces deux dernières semaines par Jean Castex puis Olivier Véran, est un des enjeux prioritaires de la bataille contre le coronavirus.
Apurer le passif pour repartir d'un bon pied ?
Depuis quelques jours, le Dr Jean-Claude Azoulay, vice-président du Syndicat national des médecins biologistes (SNMB) propose quant à lui de résorber le retard pris sur le dépistage en ne réalisant pas les PCR réalisées depuis plus de 4 jours. Il l'a expliqué dans un éditorial paru vendredi dans le point épidémio du bulletin de Santé publique France d'Ile-de-France.
« On est trop en retard et on fait quelque chose qui ne sert à rien en rendant des résultats de tests datant d’il y a une semaine, confie-t-il au Généraliste. Si le test est positif, la personne a de forte chance de ne plus l'être au moment où elle reçoit son résultat et s’il est négatif, le patient aura pu devenir positif entre-temps. Cela n’a aucun intérêt. Il faut avoir le courage de ne pas faire ces tests, et de ne réaliser que ceux qui datent de trois ou quatre jours maximum. Mais pour cela, il faut que l’on soit appuyé par les pouvoirs publics ». Le biologiste propose de réserver temporairement 20 % de l’activité PCR à l’analyse des échantillons qui datent d’un à quatre jours. « En trois jours, cette stratégie permettrait de résorber le passif, afin de pouvoir ensuite rendre des résultats dans un délai acceptable de moins de quarante-huit heures. Sous réserve que l’on y associe une vraie priorisation des dépistages », affirme le Dr Azoulay dans un entretien au Monde.
Le vice-président du SNMB plaide également pour un usage à visée diagnostique (et non pas en simple Trod) des tests antigéniques rapides (qui donnent le résultat en une demi-heure) chez les patients symptomatiques, sous réserve qu’ils soient effectués par des gens bien formés. À ce titre, les généralistes pourraient tout à fait avoir leur rôle à jouer, estime le Dr Azoulay. « En voyant leur patient, ils pourraient leur faire le prélèvement, leur dire de revenir dans une demi-heure et leur donner leur résultat. On gagnerait énormément de temps. »
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