Le traitement par doxycycline en prophylaxie post-exposition (doxyPEP) après un rapport sexuel non-protégé a déjà prouvé dans des essais cliniques sa propension à réduire le risque d’infections sexuellement transmissibles (IST). Deux études publiées dans le Jama Internal Medicine portent cette conclusion à une échelle populationnelle plus large. La prise préventive de cet antibiotique permet une réduction drastique de survenue de syphilis et de chlamydiose.
La première publication fait état de l’évolution du nombre d’infections sexuellement transmissibles (IST) rapportées par les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) et les femmes transgenres après l’implémentation en 2022 de nouvelles recommandations municipales d’usage de la doxyPEP à San Francisco en Californie. La seconde s’est intéressée plus précisément à l’efficacité de la doxyPEP chez les utilisateurs de la prophylaxie pré-exposition (Prep) VIH.
Deux fois moins de cas que prévus pour la syphilis et la chlamydia
Dans la première étude, les chercheurs californiens se sont penchés sur l’association entre les nouvelles mesures mises en place à San Francisco et l’incidence des signalements de cas de syphilis, chlamydia ou gonorrhée dans la population étudiée, au sein de la ville. Ils ont mené une analyse de séries sur deux périodes : avant le déploiement de la doxyPEP (juillet 2021 à octobre 2022) et après (novembre 2022 à novembre 2023).
L’étude a totalisé 6 694 cas de chlamydia, 9 603 cas de gonorrhée et 2 121 de syphilis précoce dans la ville au cours de la période d’analyse. Les cas de chlamydia et de syphilis précoce ont significativement baissé comparés aux projections après l’implémentation de la doxyPEP (respectivement -6,58 % et -2,68 % par mois). En novembre 2023, soit treize mois après, le nombre de cas avait réduit de moitié par rapport aux projections. Du côté de la gonorrhée, le résultat est plutôt décevant avec une augmentation de +1,77 % de cas par mois par rapport aux projections, alors que son incidence tendait à la baisse avant octobre 2022 (−1,80 % par mois). Il reste à déterminer si ces réductions vont se maintenir dans le temps.
La seconde étude, rétrospective, élargit l’analyse à l’ensemble de la Californie et se concentre sur les usagers de la Prep VIH du 1er novembre 2022 au 31 décembre 2023. Parmi ces 11 551 utilisateurs, 20 % ont reçu la doxyPEP, dont la moitié a eu une IST l’année précédant la prise. Au sein du groupe doxyPEP, la positivité trimestrielle d’infections à chlamydia est passée de 9,6 % à 2 %. La positivité trimestrielle d’infections à gonorrhée a quant à elle légèrement diminué (relative ratio RR = 0,88) avec une baisse spécifique par localisation (RR à 0,81 en rectal, RR à 0,56 en urétral) mais pas de réduction de positivité à la gonorrhée pharyngée. La positivité trimestrielle pour la syphilis est passée de 1,7 % à 0,3 % (RR = 0,2). Comparés aux usagers de la Prep ne prenant pas de doxyPEP, les patients avaient une positivité réduite de moitié pour la syphilis et la chlamydia, mais deux fois supérieure pour la gonorrhée.
Surveiller les résistances à la tétracycline
Dans un éditorial associé, publié dans le Jama Internal Medicine, les Drs Jeanne Marrazzo et Jodie Dionne soulignent : « La définition des sites anatomiques d’infection met en lumière un réservoir biologique de potentielle importance, qui pourrait informer le débat actuel sur la possible exacerbation de l’évolution des résistances aux antimicrobiens de Neisseria gonorrhoeae. Notamment, l’absence de déclin dans l’infection au niveau du pharynx suggère la présence d’espèces Neisseria commensales comme source de gènes de résistance ».
Les auteurs de l’étude signalent eux aussi ce risque : la cohorte Doxyvac suivie par l’ANRS – Maladies infectieuses émergentes a montré une augmentation significative de résistances de haut niveau à la tétracycline, alors que la prévalence de la gonorrhée en France est plus de deux fois supérieure à celle des États-Unis. La cohorte Doxyvac a aussi relevé la présence d’un clone conférant une résistance de haut niveau à la tétracycline et une résistance de bas niveau au céfixime. Pour les auteurs, ce clone doit être surveillé chez les patients utilisant la doxyPEP. « L’absence de réduction de la gonorrhée observée dans d’autres études pointe l’urgence de chercher des mesures de protection durable telles que les vaccins », soulignent les auteurs alors que « dans le contexte de la doxyPEP, ces résistances ne font que commencer à émerger ».
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