Qui se soucierait d'un épisode électoral en Turquie si tout le monde n'y voyait un échec pour le pouvoir en place et le signe avant-coureur de la chute d'un régime qui ressemble fort à une dictature ? Les habitants d'Istanbul avaient fait connaître leur opinion lors d'un précédent vote, qui fut récusé par le régime sous le fallacieux prétexte que des irrégularités avaient été commises. Des irrégularités, il y en a souvent dans les rendez-vous électoraux en Turquie et il ne s'agissait, pour Erdogan, que de tenter, mais en vain, de reconquérir la ville. « Qui tient Istanbul tient la Turquie », disait Erdogan du temps de sa splendeur. Dès lors qu'il ne la tient plus, il ne tient pas son pays. C'est un camouflet qu'il vient de recevoir. Les habitants d'Istanbul n'ont pas hésité, avec une avance de plusieurs centaines de milliers de suffrages, à désigner le nouveau maire, Ekrem Imamoglu, candidat républicain de l'opposition (CHP), qui défend les Kurdes, menacés par le régime.
Le représentant de l'AKP, le parti d'Erdogan, Binali Yildirim, n'a pas tardé, dilmanche dernier, à reconnaître sa défaite. L'autocrate au pouvoir espérait reconquérir la ville et a tout fait pour convaincre les stanbouliotes qu'ils devaient voter AKP. De la prison où il croupit, le chef des Kurdes, Abdullah Ocalan, avait même publié une lettre ouverte demandant à ses amis de ne pas s'immiscer dans cette affaire et de voter en toute neutralité. Rien n'y a fait. M. Erdogan, qui a perdu les municipales et Istanbul, ne voit plus l'avenir de la même façon que pendant les 16 années qu'il a passées à régner sur son pays. Il peut s'attendre à de nouveaux déboires politiques.
La raison de son échec tient au fait que, tout en imposant son autorité par tous les moyens législatifs possibles, il souhaitait faire croire aux Turcs et au monde qu'il dirigeait une démocratie illibérale, sans sembler se douter que les Turcs commencent à se lasser de lui. Il n'est d'ailleurs pas impossible que, menacé politiquement, il en arrive à durcir son régime. En tout cas, la leçon turque vaut pour tous les régimes qui ressemblent à celui d'Ankara. L'autoritarisme a ses limites et le peuple, s'il est autorisé à donner son opinion, peut toujours se rebeller. Quoi de plus plaisant que cette révolte légitime, confortée par les urnes et qui signifie son déclin à un apprenti dictateur ? Nul doute que l'exemple d'Istanbul est pêrçu comme une alerte par d'autres régimes, celui de Vladimir Poutine en Russie, de Viktor Orban en Hongrie, ou même celui de Varsovie.
En concurrence avec l'Égypte et l'Arabie
On ne minimisera pas, en tout cas, l'énorme impact d'un éventuel changement de pouvoir en Turquie. M. Erdogan a beaucoup cultivé les ambiguïtés. Son pays est membre de l'OTAN mais son gouvernement est violemment anti-occcidental. Il y a des bases militaires amricaines en Turquie mais Erdogan apparaît comme l'un des leaders politiques les plus anti-américains et son agenda est pro-russe, très anti-israélien, et il est furieux contre l'Europe parce que la Turquie n'est pas membre de l'Union européenne.
Cette crise des rapports entre Ankara et les pays occidentaux s'explique par la volonté d'Erdogan de donner à la Turquie le leadership du monde islamique, ce qui déplaît souverainement au gouvernement égyptien et à l'Arabie saoudite. Les ambitions d'Erdogan sont donc largement contrecarrées par son essoufflement politique et il pourrait aussi tenter de modifier sa politique étrangère dans le sens d'un rapprochement avec l'Europe et les États-Unis. On n'en est pas encore là. Mais il serait absurde de ne pas voir dans le choix d'Istanbul un coup d'arrêt à l'une des politiques les plus démagogiques du Moyen-Orient, au moment précis où la prospérité qui a fait le succès d'Erdogan se transfome en crise économique : inflation, dépréciation de la monnaie turque, ralentissement des échanges commerciaux dans le monde.
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