Je me souviens. J'étais étudiant. Je dévalais un matin de printemps une rue étroite et sombre, parallèle au Boulevard Saint-Michel ; arrivé au bord de la Seine, je découvris la cathédrale immense et impavide, posée tout près de l'eau, plus étincelante que le soleil, avec son foisonnement architectural indescriptible haut et épais, ses sculptures, ses gargouilles, ses monstres et ses saints, ses tours et ses murs de soutènement si ingénieux, hommage des humains à Dieu et témoignage indélébile de leur génie si précoce. Un monument qui a été bâti en deux siècles, qui trône au cœur de Paris depuis huit siècles, et qui m'a toujours semblé impérissable, à la fois objet tourmenté de la passion élégiaque, fugue musicale en thèmes divers mêlés, sorte de folie créatrice plus forte, plus vive, plus animée que tous les éléments.
Peut-être, par la suite, n'ai-je pas, comme d'autres, été troublé par l'incendie du Parlement de Bretagne il y a ving-cinq ans, ou par la destruction de l'hôtel Lambert il y en a six, ou par celle de l'Hôtel de Ville de la Rochelle en 2013. On croit que la pierre remplace inévitablement la pierre. Mais les objets d'art, les vitraux, les rosaces, les reliques qui ont disparu seront très difficiles à remplacer. Un esprit de revanche contre l'adversité encouragera le peuple français à recréer chacune des pièces les plus infimes de ce grand-œuvre. Bien plus que d'autres monuments, Notre-Dame de Paris fait partie de la vie de tout un chacun, les chrétiens ou catholiques, bien sûr, mais tous les autres aussi, y compris les athées, rebelles à Dieu, mais subjugués par la création artistique. Rien ne vaut la musique, sinon l'entrain inventif qu'elle déclenche.
Les pertes, peut-être irréparables, vont entretenir notre chagrin, mais de même que Notre-Dame a survécu aux sévices des hommes après avoir été leur magnifique expression, de même il ne devrait y avoir rien qui empêche l'humanité d'aujourd'hui de reproduire aujourd'hui ce qu'elle a imaginé et érigé il y a huit cents ans. Il y faut certes une ferveur qui fut plus dense il y a huit siècles qu'elle ne l'est probablement maintenant. Le sens de la revanche contre l'adversité remplacera la foi ou s'ajoutera à elle pour restituer l'œuvre du lointain passé. Nous trouverons les fonds dans la générosité des riches, mais aussi des pauvres. Nous trouverons le génie dans une société infiniment plus cultivée. Nous trouverons l'élan dans le désir de réparer.
Montrons-nous à la hauteur du défi
Je le dis en soulignant ce qui a été sauvé, les deux beffrois et les superstructures, mais en évaluant la rareté des vitraux, rosaces et reliques, bel et bien perdus. Il y a là un devoir national à remplir, au moment où nous sommes si divisés pour de médiocres raisons, alors que le feu nous ramène à la réalité de notre condition si fragile. Au moins peut-on admettre qu'Emmanuel Macron, qui a ajourné son discours sur la crise sociale, a donné le bon exemple. Au moins a-t-on déjà assisté à un mouvement de solidarité nationale qui n'a pas tardé à se manifester sous l'accablement du premier instant. Au moins François Pinault s'est-il déjà engagé à verser 100 millions d'euros dans la cagnotte de la reconstruction. Gardons-nous d'entrer dans une autre de nos polémiques sur les origines de l'incendie qui, selon certains, n'aurait jamais dû se produire. Une enquête est en cours de toute façon, qui fera la lumière sur le désastre. Mais ne ressassons pas, pour une fois, nous vieilles rancunes, notre permanente mauvaise humeur, nos très mauvaises raisons de nous haïr à n'en plus finir.
Le malheur, car c'en est un, nous a mis au défi. Montrons-nous à la hauteur. Macron et ses adversaires ont mis le combat politique entre parenthèses pour quelques jours. Aucun doute possible : nous querelles sont si vives qu'elles renaîtront rapidement. Mais donnons-nous le temps d'organiser les efforts pour retrouver le rayonnement millénaire de Notre-Dame de Paris. On ne vit pas que de pain et d'eau fraîche.
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