"Surpopulation carcérale", "accès insuffisant ou inadéquat aux soins", allers-retours entre prison et hôpitaux psychiatriques "préjudiciables pour les patients", "manque de formation" du personnel pénitentiaire... L'organisation de défense des droits de l'homme Human Rights Watch dénonce comme une "double peine" le défaut de prise en charge des détenus atteints de troubbles psychiatriques. Ils sont des milliers dans les prisons françaises : la dernière étude sur la santé mentale en France remonte à 2004 révélait que presque un quart des détenus étaient atteints de troubles psychiatriques". Selon Human Right Watch, 8% hommes et 15% des femmes seraient schizophrènes : des taux bien plus élevés que le pourcentage de schizophrènes dans la population française établi à 0,9 pour cent.
Ces détenus déjà fragiles sont, plus que les autres, stigmatisés, isolés ou suicidaires, déplore le rapport publié mardi. Un document qui fait état de "la stigmatisation par d’autres détenus, l’angoisse causée par l’enfermement dans une cellule toute la nuit et parfois toute la journée et l'absence de prise en charge adéquate en matière de santé mentale ." L'organisation de défense des droits de l'homme, qui a visité huit prisons et s'est entretenue avec 50 personnes en prison - directeurs, surveillants, médecins et détenus - décrit des souffrances aggravées par des conditions de détention "inadaptées" à la situation de détenus en détresse psychologique.
La prise en charge des troubles mentaux est "inégale" dans les 188 prisons françaises, dont 26 seulement ont des Services médico-psychologiques régionaux fournissant des soins et des consultations. "A Réau, un établissement neuf où il y a peu de contacts humains, où tout se fait par interphone, le pire c'est la solitude" alors qu'à Nanterre, où quelque 900 détenus s'entassent pour 600 places, c'est "l'absence de suivi personnalisé, avec des surveillants débordés" qui pose problème, explique Izza Leghtas, qui a mené en 2015 cette enquête pour HRW.Fragiles, ces détenus sont plus que les autres susceptibles de se replier sur eux-mêmes: l'un pour échapper au "harcèlement d'autres détenus qui vont chercher à obtenir des médicaments", l'autre pour "éviter d'être envoyé à l'hôpital" où il sera enfermé, entravé et privé de cigarettes, rapporte-t-elle Cet isolement fait qu'ils sont aussi plus sujets au suicide, dans un milieu fermé "où on sait que le taux de suicide est déjà 7 fois plus élevé qu'en milieu ouvert", rappelle l'enquêtrice.
"Pour mieux répondre à cette souffrance, plaide-t-elle, il faut la connaître. Il y a urgence à dresser un état des lieux: le rapport recommande aux ministères de la Justice et de la Santé de mener une "nouvelle étude sur la santé mentale" des détenus, de "proposer une prise en charge plus adaptée" et de "ne pas placer en isolement" ces détenus fragiles.
Pénurie de personnels médicaux et difficultés de recrutement
Au-delà, l'ONG pointe un manque chronique de personnels soignants spécialisés dans certains endroits. "Certaines sont dotées d’un SMPR qui compte une équipe de psychiatres, d’infirmiers et de psychologues et un certain nombre de lits ; les patients peuvent y rester le temps de se voir dispenser des soins complets. Mais dans d’autres, il existe une grave pénurie de professionnels de santé mentale soit du fait d’un manque de ressources soit du fait de la difficulté de recrutement due aux conditions difficiles et peu attrayantes pour le personnel de santé en prison".
Le rapport évoque aussi les sept unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) existantes qui sont des structures comptant de 40 à 60 lits au sein des hôpitaux psychiatriques où les détenus reçoivent des soins psychiatriques en milieu hospitalier. Mais elle observe que toutes les prisons ne sont pas dans le périmètre géographique d'une UHSA.
Human Right Watch insiste particulièrement sur le sort des femmes atteintes de troubles mentaux, qui "font face à une discrimination concernant leur accès aux soins de santé mentale. Alors que 26 services médico-psychologiques régionaux (SMPR) dans les prisons françaises dispensent des soins de santé mentale pendant la journée et proposent des lits pour la nuit, un seul d'entre eux offre des lits pour les femmes, recense le rapport.
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