La méconnaissance de la loi Leonetti a longtemps été mise en avant pour expliquer le faible engouement des Français envers les directives anticipées (DA). Les travaux du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie (CNSPFV) dévoilés le 6 février viennent infirmer cette hypothèse.
Aujourd'hui, 85 % des médecins généralistes et 60 % des Français connaissent l'existence de la loi Leonetti-Claeys du 2 février 2016, selon une étude réalisée par l'institut BVA pour le CNSPFV*. Bien qu'il existe une marge de progrès importante (encore 58 % des Français et 15 % des médecins ignorent que cette loi prévoit des directives anticipées), le centre national constate un « net progrès ».
Néanmoins, la proportion de Français de plus de 50 ans qui s'emparent d'un stylo pour écrire leurs DA reste faible, autour de 11 % (13 % pour les femmes, 8 % chez les hommes). Il s'agit surtout des plus de 64 ans qui ont une piètre vision de leur état de santé, et dont les revenus sont faibles. Ils sont 32 % à envisager de le faire, mais 51 % ne souhaitent pas s'y plier.
Quand ils les rédigent, les Français préfèrent s'exprimer sur papier libre (71 %) plutôt qu'en suivant les modèles existants, notamment celui du ministère de la Santé.
Un acte d'amour, plus qu'une revendication d'autonomie
« Les DA sont un outil pour clarifier ce que l'on pense, pour exprimer ses valeurs, plutôt que pour faire valoir sa volonté » (qui était leur objectif initial), décrypte la Dr Véronique Fournier, présidente du CNSPFV, à la lumière des résultats du sondage, et des soirées organisées dans 13 villes en France en 2017, qui ont rassemblé quelque 2 000 personnes. À l'origine de la rédaction, c'est souvent la volonté de libérer les proches d'une lourde responsabilité, de leur éviter le désarroi, que les patients avancent. A contrario, c'est parce qu'ils font confiance à leurs proches qu'ils s'en détournent.
Autre paradoxe : « les DA sont l'occasion de discuter d'un projet de soins pour la vie qui reste à vivre, plutôt que d'organiser sa mort » résume le Dr Fournier, qui insiste sur le dialogue et l'ouverture qu'offrent les DA.
Aussi n'y a-t-il pas forcément à déplorer la faiblesse du taux de rédaction des DA : « cela doit rester un droit, et non une obligation ni un indicateur administratif de qualité », (ce que cela devient dans les EHPAD) dit Véronique Fournier. « Ce qui compte, c'est d'avoir l'occasion de discuter et de recueillir l'avis du patient, plutôt que d'avoir un score de DA rédigées », corrobore le Dr René Robert, réanimateur au CHU de Poitiers et membre du conseil d'orientation stratégique du CNSPFV, tout en reconnaissant que dans des situations extrêmement compliquées où le patient perd la faculté de s'exprimer, leur présence peut simplifier les choses pour l'équipe médicale. « Sauf quand elles ne nous semblent pas appropriées », nuance-t-il, préconisant alors la poursuite du dialogue avec les proches.
La question des directives anticipées ne doit pas non plus masquer les défis qui restent à relever autour de la fin de vie, comme assurer un accompagnement de qualité, y compris à domicile, par des professionnels formés. De même pour le droit à la sédation profonde et terminale, ouverte dans la loi Leonetti-Claeys : « il faut être sûr que le patient prend sa décision en connaissance de cause, qu'elle soit le reflet de son autonomie et ne soit pas contrainte par la souffrance », a souligné le Dr Sarah Dauchy, psychiatre et membre du CNSPFV.
Le centre lancera à l'automne 2018 une deuxième campagne de communication auprès du grand public, des aidants et des professionnels, et débute un second cycle de soirées en région sur l'obstination déraisonnable. Parallèlement, deux enquêtes visent à mesurer le recours à la sédation profonde et continue jusqu'au décès.
*L'enquête auprès des généralistes a été réalisée auprès d'un échantillon de 201 médecins, interrogés par internet du 8 au 12 janvier 2018, tandis que l'étude auprès des Français de plus de 50 ans porte sur un échantillon de 964 personnes, interrogés par téléphone, du 19 au 23 janvier 2018.
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