LA CHAMBRE de l’instruction de la cour d’appel de Pau décidera le 13 septembre si elle maintient sa mise en liberté le Dr Nicolas Bonnemaison. L’urgentiste de Bayonne, mis en examen le 12 août pour « empoisonnements sur personnes particulièrement vulnérables », risque la réclusion criminelle à perpétuité. L’audience de ce mardi, à laquelle le Dr Bonnemaison était présent, était motivée par l’appel du parquet de Bayonne. L’avocat général de la cour d’appel, Jacques Defos du Rau, a fait valoir un « trouble exceptionnel et persistant à l’ordre public » pour réclamer le placement en détention provisoire du médecin, interdit d’exercice et résidant en Auvergne dans le cadre de son contrôle judiciaire.
Me Defos du Rau a évoqué sept « décès en série », entre le 5 avril et le 3 août, avec « une accélération » des décès à partir de juin. Le président de la chambre de l’instruction a en effet évoqué un réquisitoire supplétif, daté de lundi et mentionnant trois nouveaux cas qui se seraient produits le 12 juin et les 4 et 7 juillet. Le médecin a reconnu avoir « utilisé des médicaments, pas dans l’intention de donner la mort mais pour abréger les souffrances des patients en fin de vie. Il n’a jamais été dans mon propos de les utiliser dans une intention létale », a-t-il expliqué en se défendant d’être « un militant de l’euthanasie ». Il a ajouté avoir « toujours été attaché à communiquer avec les familles » des patients concernés, dont aucune n’a porté plainte contre lui, ni au pénal, ni au civil. « Pour moi, le patient était indissociable de ses proches. Dans le cadre de la fin de vie, on vit des choses fortes avec les familles. On sait que que ça se fait dans un regard, une poignée de mains », a-t-il confié, sans toutefois indiquer avoir reçu de recommandations explicites des familles.
Chambre disciplinaire.
L’avocat général a reproché à l’urgentiste de s’être « arrogé le pouvoir de donner la mort tout seul », en dehors du cadre de la loi Leonetti du 22 avril 2005. « Personne n’a le droit de disposer de la vie d’un autre, personne n’a le monopole de la compassion », a-t-il déclamé. De son côté, le Dr Bonnemaison a évoqué « une dérive » dans l’organisation du service des urgences de coutre durée où il travaillait, ouvert 24 heures sur 24 à partir de février 2011, « avec l’arrivée de patients qui n’avaient rien à faire dans le service ». Il a indiqué avoir signalé cette situation par écrit à deux reprises à sa hiérarchie. Une enquête sur les « conditions du décès des personnes hospitalisées » a été confiée à l’Inspection générale des Affaires sociales.
Le Dr Bonnemaison a affirmé qu’il ne chercherait en aucun cas à fuir ses responsabilités. « Je désire m’expliquer sur ce qui s’est passé », a-t-il assuré. Suite à la décision de l’Ordre des médecins des Pyrénées-Atlantiques de ne pas porter plainte contre le praticien « de par les éléments portés à sa connaissance »*, le Conseil national, qui s’est autosaisi, a décidé de le traduire devant la chambre disciplinaire. Le porte-parole de l’Ordre, André Deseur, a déjà précisé que « du fait de la gravité des faits », l’urgentiste s’expose à une radiation ou à une interdiction temporaire du droit d’exercer la médecine.
* Précision apportée par le Dr Etienne Comby, membre titulaire du Conseil de l’Ordre des Pyrénées-Atlantiques dans un message adressé au quotidiendumedecin.fr. Le médecin ajoute que, par conséquent, « la signification de la décision du Conseil (départemental) est alors tout autre, et d’ailleurs, ne bafoue le droit en rien ».
Le CCNE invite la médecine à prendre ses responsabilités face aux vulnérabilités qu’elle crée
Transition de genre : la Cpam du Bas-Rhin devant la justice
Plus de 3 700 décès en France liés à la chaleur en 2024, un bilan moins lourd que les deux étés précédents
Affaire Le Scouarnec : l'Ordre des médecins accusé une fois de plus de corporatisme