L’HISTOIRE DU JOUR

Le rein de la liberté

Publié le 13/01/2011
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Deux sœurs, Jamie et Gladys Scott. En 1994, alors qu’elles ont 21 et 19 ans, elles sont condamnées à la prison à vie pour leur présumée participation, qu’elles nient, à un vol à main armée qui a rapporté 11 dollars au total. Nous sommes dans le Mississippi et le fait qu’elles sont noires n’est pas étranger à la sévérité de la peine, selon leurs défenseurs, qui ont multiplié les actions pour les faire libérer.

En vain. Jusqu’à la semaine dernière. Le gouverneur Haley Barbour a en effet décidé de suspendre leur peine. À une condition. Que Gladys donne un de ses reins à Jamie, qui souffre d’une sévère insuffisance rénale et doit être dialysée au moins trois fois par semaine ; ce que Gladys avait d’ailleurs proposé. Haley Barbour n’a pas fait un choix désintéressé : « L’état de santé de Jamie Scott représente un coût important pour l’État du Mississippi », a-t-il fait valoir, tout en soulignant que l’incarcération des deux sœurs n’était « plus nécessaire ni au regard de la sécurité publique ni en vue de leur réhabilitation ». Il a cependant refusé de les grâcier et elles resteront en liberté conditionnelle jusqu’à la fin de leurs jours (ce qui implique pour chacune le paiement de 52 dollars par mois pour les frais de justice).

Cette libération conditionnée à un acte médical suscite la polémique. Pour le Dr Arthur Caplan, directeur du centre de bioéthique de l’université de Pennsylvanie, le gouverneur a franchi une ligne morale en transformant un don en compensation, en « transaction commerciale ».

Reste à savoir si le rein sera compatible et qui prendra en charge l’opération. Sûrement pas l’État du Mississippi.

RENÉE CARTON

Source : Le Quotidien du Médecin: 8884