LA COUR d’appel de Pau statuera ce mardi sur la remise en liberté du Dr Nicolas Bonnemaison, mis en examen le 12 août pour « empoisonnement » sur « des personnes particulièrement vulnérables », le parquet de Bayonne y étant opposé. La justice reproche au médecin, qui exerçait au service des urgences de l’hôpital de Bayonne (le Centre hospitalier de la Côte Basque), d’avoir pratiqué des injections de « substances ayant entraîné le décès immédiat » d’au moins quatre personnes âgées au cours des cinq derniers mois, le dernier étant celui d’une patiente de 92 ans, le3 août.
Marc Mariée, le procureur de la République adjoint de Bayonne, a indiqué que le Dr Bonnemaison avait reconnu avoir utilisé du Norcuron (curare). « Il s’agit d’actes d’une extrême gravité et totalement prohibés par la loi. » Aucune plainte des familles concernées n’aurait été toutefois enregistrée. « Nous estimons que le mandat de dépôt est justifié par la gravité des faits et par le trouble causé à l’ordre public », a déclaré le magistrat, en rappelant que la justice avait été saisie par des personnels hospitaliers du service des urgences. Cette dénonciation est d’autant plus surprenante que le Dr Bonnemaison, 50 ans, jouissait d’une solide réputation.
Chef du service de réanimation-urgences (dans l’unité d’hospitalisation de court séjour) pendant plusieurs années, le Dr Bonnemaison, marié à une anesthésiste, fait preuve d’une « grande conscience professionnelle », a témoigné le Dr Luc Dray, collègue anesthésiste, qui a ajouté son nom à une pétition (plus de 43 000 signatures sur Internet). Dans son entourage, on évoque toutefois une certaine fragilité psychologique qui remonterait au suicide, en 1987, de son père, chirurgien renommé. En 2010, le Dr Bonnemaison est hospitalisé plusieurs mois en maison de repos. « Il a vécu des épreuves difficiles », a reconnu le Dr Luc Dray, en récusant cependant tout lien entre le « personnel et le professionnel » dans cette affaire. Et de souligner que Nicolas Bonnemaison fut le premier médecin de l’hôpital de Bayonne formé et diplômé pour travailler dans le milieu des soins palliatifs.
Actuellement sous contrôle judiciaire, le Dr Bonnemaison, qui risque la réclusion à perpétuité, n’a plus le droit d’exercer son métier. Son avocat, Me Arnaud Dupin, a précisé que son client « n’avait pas démenti les faits » et que ses décisions visaient à « abréger les souffrances de personnes qui allaient décéder dans les minutes suivantes ». La loi Leonetti sur la fin de vie « n’est pas adaptée quand on voit la qualification retenue pour empoisonnement », plaide l’avocat. Il reste que le texte légal fixe « un cadre extrêmement strict et notamment deux conditions : celle du consentement de la personne ou de sa famille et celle de la collégialité », a rappelé le vice-procureur. De son côté, l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a ouvert une enquête sur « les conditions du décès de personnes hospitalisées ». Le ministère de la Santé attend son rapport dans un délai de deux mois.
Une discussion souhaitée.
Jamais éteinte, la question de l’euthanasie a de nouveau partagé les avis. « Quelle hypocrisie de la part de tous ! Médecins qui ont peur, politiques qui pratiquent la langue de bois, tous pensant d’abord à leur carrière alors qu’ils devraient être au service de leurs concitoyens, respecter leur choix et soulager leur souffrance (...) », intervient un médecin sur le site du « Quotidien ». « Je suis sincèrement effrayée et révoltée à l’idée qu’un confrère urgentiste puisse un jour priver mes enfants ou petits-enfants du soulagement de m’avoir vue vivante encore à l’hôpital pour me dire au revoir. Il faut en finir avec le paternalisme médical (...) », réagit une internaute. « Que l’on puisse être exposé de façon exceptionnelle à des situations inédites non prévues par la loi est toujours possible et renvoie logiquement à l’avis du Comité consultatif national d’éthique rendu en 2000, qui proposait une réflexion sur l’exception d’euthanasie » indique un praticien, tandis qu’un autre estime qu’« injecter du poison à un être humain est un crime ». Jugée suffisante par certains (dont la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs), la loi de 2005 n’a pas contribué à clore les discussions. Son auteur, Jean Leonetti, aujourd’hui ministre des Affaires européennes, a admis la nécessité d’organiser un grand débat public. Un débat qui semble largement souhaité par la profession: à 60,9 % selon les résultats de « l’enquête flash » du quotidiendumedecin.fr (274 réponses au1er septembre).
En janvier dernier, alors que le Sénat examinait une proposition de loi sur « une assistance médicalisée pour mourir », le Premier ministre s’était personnellement opposé à une légalisation de l’euthanasie. Il avait toutefois promis la tenue d’un débat sur la prise en charge de la fin de vie « dans les prochains mois ». Il est peu probable que celui-ci intervienne avant la prochaine élection présidentielle.
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