QUE LE procès se tienne, prient les victimes. Qu’il n’ait pas lieu, espère le fabricant. Les arguments sont rodés, et chaque camp affiche sa détermination. « Je considère toujours qu’être jugé pour des faits pour lesquels on est déjà mis en examen n’est pas acceptable », déclare au « Quotidien » Me Hervé Témime, avocat des laboratoires Servier. Selon le droit, nul ne peut être traduit deux fois devant une juridiction répressive pour des faits identiques (or, une autre instruction est en cours au tribunal de Paris).
La tromperie au cœur du débat.
Le ténor du barreau a peaufiné sa plaidoirie. La Cour de cassation a bien rejeté sa question prioritaire de constitutionnalité entre-temps, mais elle n’a « absolument pas dit que le tribunal de Nanterre devait juger en l’état », observe Me Témime. Il reste des aspects procéduraux à purger, et un renvoi ne peut être exclu. Ou une demande de complément d’information, une expertise. Le tribunal peut aussi décider de mener les trois semaines d’audience à leur terme.
Les parties civiles, de leur côté, espèrent une condamnation pour tromperie. Les éléments sont à leurs yeux réunis. Les avocats demandent 100 000 euros par victime. « L’objectif, comme pour la procédure PIP, c’est la réparation du préjudice moral », indique Me Claude Lienhard.
Son confrère Me Charles Joseph-Oudin résume l’enjeu du procès : « Il s’agit de comprendre comment et pourquoi le médicament a pu rester aussi longtemps sur le marché » en France. L’avocat en est convaincu : « Les laboratoires avaient des informations en main dès la fin des années 1990 qui ont été délibérément cachées aux consommateurs et aux prescripteurs, et qui auraient dû conduire au retrait ».
Expertises.
Le rapport de l’IGAS avait porté une première charge contre le fabricant - à noter que l’un de ses auteurs, Aquilino Morelle, aujourd’hui conseiller à l’Élysée, est attendu à la barre comme témoin. À cela s’ajoute le résultat d’expertises récentes, qui étayent la thèse de la tromperie aux dires des parties civiles. Ainsi ce cardiologue a expertisé une patiente opérée des valves - et sous anticoagulant à vie - après avoir pris 41 boîtes de Mediator pendant 4 ans. Le lien avec le Mediator est à ses yeux direct et certain. Et l’expert de noter dans son rapport que les informations figurant dans le Vidal 2009 ne sont « ni complètes, ni précises, ni circonstanciées ».
Une centaine de victimes déjà indemnisées.
Trois semaines suffiront-elles à établir la tromperie ? « C’est le pari que nous faisons », déclare Charles Pernin, de l’association de consommateurs CLCV.
En parallèle de cette citation directe qui permet un procès rapide, l’instruction parisienne avance à grands pas. Et les mises en examen s’accumulent - chez Servier, parmi les anciens responsables de l’AFSSAPS... Mais aussi l’Agence nationale de sécurité du médicament (en tant que personne morale), ou encore Marie-Thérèse Hermange, ex-sénatrice UMP ayant rédigé un rapport sur le Mediator.
Le procès de Nanterre n’a pas pour but d’établir toute la chaîne des responsabilités. L’État et les médecins prescripteurs devront sans doute rendre des comptes eux aussi, lors de procédures ultérieures.
L’assureur MACSF-Sou médical a dénombré parmi ses sociétaires 280 médecins mis en cause. Les personnes qui écrivent à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) pour obtenir réparation poursuivent leur médecin dans 11 % des cas. Le collège d’experts a examiné 1 279 dossiers (sur les 8 000 reçus) et émis 152 avis positifs d’indemnisation. Les laboratoires Servier ont indemnisé une centaine de victimes à ce jour, en appliquant le barème de l’ONIAM. Les chèques vont pour l’instant de 500 à 90 000 euros.
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