DEUX MÉDECINS ont été entendus mardi dernier par la mission d’information du Sénat sur le Mediator, chacun dans un registre bien spécifique.
Sur demande du président de séance, le Pr Jean Acar, ancien chef de service de cardiologie à l’hôpital Tenon (Paris), a d’abord précisé n’avoir jamais entretenu de liens avec le Laboratoire Servier. Il a ajouté, en introduction à son exposé, que « le benfluorex est une molécule pathogène pour les valves et le système pulmonaire… Il aurait dû être retiré du commerce plus tôt ». Son intervention a visé à montrer les imprécisions des études sur lesquelles se fonde la mortalité attribuée au benfluorex. Elles sont contenues dans l’une de ses phrases : « La vérité épidémiologique n’est pas la vérité cardiologique. »
Le Pr Acar reproche aux études publiées des erreurs liées à la non prise en compte d’éléments spécifiquement cardiologiques. À titre d’exemple, il constate dans l’étude CNAM 1 l’omission de l’hypertension artérielle, connue pour être responsable de valvulopathies. Les études, a-t-il précisé lors de son audition, ont comptabilisé les atteintes valvulaires à partir des critères binaires du PMSI : valvulopathie rhumatisme ou non, les atteintes valvulaires dégénératives n’y existent pas. Enfin, dans l’étude de Catherine Hill, une extrapolation est faite à partir du taux d’hospitalisations triplé par la prise de benfluorex : le taux de décès suivrait cette règle. « Ceci n’est pas une réalité cardiologique. » Les études, a conclu Jean Acar, devraient être reconsidérées en associant des cardiologues et des chirurgiens cardiaques aux épidémiologistes.
Autre son de cloche avec le Dr Dominique Dupagne, médecin généraliste, membre du groupe « médecine générale » à l’AFSSAPS et membre du FORMINDEP (Association pour une formation et une information médicales indépendantes). Jugeant « impossible de relever l’ensemble des dysfonctionnements » qui ont atteint l’AFSSAPS dans cette affaire, le généraliste n’en a pas moins délivré aux sénateurs quelques pistes d’amélioration du système.
Dans les décisions d’autorisation de mise sur le marché ou de retrait du marché, Dominique Dupagne estime « indispensable de séparer les fonctions d’expertise et de décision ». En clair, les décideurs devraient être informés par les experts, mais ces derniers ne devraient jamais être en situation de prendre eux-mêmes les décisions (lire aussi ci-contre). Ceci dans le but de limiter l’incidence de leurs éventuels liens d’intérêts avec telle ou telle entreprise pharmaceutique. De la même manière, le généraliste suggère de rendre obligatoire la présence de magistrats professionnels au sein de la commission d’AMM et de celle de la transparence, à l’instar de ce qui se fait dans les chambres disciplinaires du conseil de l’Ordre des médecins.
En matière de pharmacovigilance, Dominique Dupagne estime que « la personne la mieux placée pour effectuer le signalement initial, c’est le patient ». Il propose de mettre à sa disposition un système de déclaration, les centres régionaux de pharmacovigilance ayant ensuite la mission de se retourner vers le médecin traitant pour corréler les informations fournies. Dominique Dupagne argumente sur ce thème en faisant valoir que « les médecins notifient peu, surtout ceux qui ont prescrit le médicament incriminé ».
Quant aux déclarations de liens d’intérêts, Dominique Dupagne milite pour que ce soit les entreprises pharmaceutiques elles-mêmes qui en fassent la déclaration, assortie de peine en cas d’omission. Mais au lieu de les transmettre à l’Ordre des médecins, qui rechignerait parfois, selon lui, à les communiquer , le généraliste propose qu’ils soient mis en ligne sur un site Internet accessible à tous.
Troubles du neurodéveloppement : les outils diagnostiques à intégrer en pratique
Santé mentale des jeunes : du mieux pour le repérage mais de nouveaux facteurs de risque
Autisme : la musique serait neuroprotectrice chez les prématurés
Apnée du sommeil de l’enfant : faut-il réélargir les indications de l’adénotonsillectomie ?