Deux rapports publiés ce mercredi alertent à nouveau sur les dangers (effets indésirables, iatrogénie) de la polymédication chez les personnes âgées, définie par l’OMS comme « l’administration de nombreux médicaments de façon simultanée ou par l’administration d’un nombre excessif de médicaments ».
Une étude de l’IRDES* explore finement le champ de la polymédication (simultanée, cumulative, continue) et tente de la mesurer (à partir d’une base de 69 324 patients et 687 médecins). Si la polymédication chez le sujet âgé est « habituelle et souvent légitime » (polypathologies, maladies chroniques), « l’excès de médicaments fait peser des risques importants » pour ces personnes, souligne clairement l’IRDES. « Il existe une association significative entre polymédication et survenue d’effets indésirables, d’interactions médicamenteuses, de chutes, voire une augmentation de la mortalité », peut-on lire.
Observance difficile
Le rapport énumère, études internationales à l’appui, les principales difficultés identifiées. « Chaque nouvelle spécialité administrée augmente de 12 à 18 % le risque d’effet indésirable. Ces accidents iatrogéniques sont responsables de 5 à 25 % des admissions hospitalières et de 10 % des admissions aux urgences. La polymédication est un facteur prédictif de la durée des séjours hospitaliers, de la mortalité et de la réadmission hospitalières. Elle pose des problèmes d’observance quand le schéma d’administration est trop complexe. Enfin, la polymédication augmente fortement le risque de prescriptions potentiellement inappropriées, dont les indications sont discutables, avec un risque d’effets secondaires ou de non-efficience », précise l’étude.
Le phénomène prend de l’ampleur dans les pays développés. Aux États-Unis, insiste l’IRDES, le nombre de consultations médicales avec cinq prescriptions ou plus chez les personnes âgées est passé de 6,7 % à 18,7 % entre 1990 et 2000. Même tendance en Suède (+15 % de polymédication au-delà de 10 médicaments entre 2005 et 2008) ou encore en Nouvelle-Zélande. Les personnes âgées sont toujours les plus concernées.
En France, le rapport (décembre 2013) sur la politique du médicament en EHPAD soulignait la fréquence excessive de la polymédication et avançait des mesures. Le programme expérimental « Parcours santé des aînés (Paerpa) » propose des actions d’éducation thérapeutique autour de la polymédication et de la polypathologie.
4 ordonnances sur 10 à risque ?
Parallèlement, l’UFC-« Que Choisir » publie ce mercredi les résultats inédits d’une analyse de 347 ordonnances de personnes âgées (plus de 75 ans) polymédicamentées (au moins 5 lignes de prescription), au cours du deuxième trimestre 2014. « En moyenne, les ordonnances collectées dans notre échantillon contenaient 8,6 médicaments, avec un maximum de 21 pour une seule personne », relève l’étude.
L’association affirme que les ordonnances collectées ont été passées au crible de la liste de Laroche, qui définit les médicaments potentiellement inappropriés pour les patients âgés. « Les résultats sont alarmants, puisque 40 % d’entre elles contiennent un médicament déconseillé aux personnes âgées », assure « Que Choisir ». L’association presse les pouvoirs publics d’inscrire la « déprescription » pour les personnes âgées dans les indicateurs de rémunération à la performance des médecins (ROSP). Par ailleurs, « Que Choisir » demande à la Haute Autorité de santé (HAS) de plancher sur ce « sujet majeur ».
* La polymédication : définition, mesures et enjeux (décembre 2014)
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