Un vrai coup de tonnerre ! La circulaire d’application du décret du 21 mai 2013 relatif à la transparence des avantages consentis par les laboratoires pharmaceutiques aux professionnels de santé vient d’être en partie annulée par le conseil d’État.
Les avis divergent sur les conséquences de cette décision. Selon l’Ordre des médecins, à l’origine du recours avec le Formindep, l’arrêt du Conseil d’État obligerait les laboratoires à publier les rémunérations versées à chaque professionnel de santé dans le cadre de conventions, et plus seulement celles liées à l’hospitalité (transports, restauration, hébergement).
Cette décision renforcerait donc la transparence dans les relations entre les professionnels de santé et l’industrie instaurée par la loi Bertrand du 29 décembre 2011. Selon l’article 2 de ce texte, les laboratoires devaient rendre publique l’existence des conventions conclues avec les professionnels de santé. La même obligation s’appliquait à tous les avantages en nature ou en espèces perçus par les professionnels de santé. Un décret, paru en mai 2013, instituait un seuil de 10 euros pour la déclaration de ces avantages mais sa circulaire d’application précisait que « ne sont pas considérés comme des avantages les rémunérations, les salaires et les honoraires qui sont la contrepartie d’un travail ou d’une prestation de service » perçus par les professionnels de santé.
Le CNOM s’était élevé contre cette restriction introduite par la circulaire. « On pourra savoir le prix d’un billet de train offert à un praticien pour se rendre à un congrès mais pas les sommes versées en contrepartie de la présentation qu’il y fera », remarquait-il.
La décision du Conseil d’État satisfait les demandeurs mais elle met dans l’embarras les laboratoires et le ministère de la Santé. « L’annulation de deux alinéas de la circulaire d’application du décret pourrait modifier les règles relatives à la publication des rémunérations des professionnels de santé, reconnaît-on à Ségur. Les services du ministère sont en train d’analyser la décision pour en tirer toutes les conséquences juridiques ». Le "sunshine act" continue de s’appliquer, nous indique-t-on.
Vers une complète remise à plat ?
Dans l’entourage des laboratoires, on juge également que la décision du Conseil d’État n’est pas claire, et que sa mise en œuvre créerait des problèmes insurmontables. D’autant plus si elle venait à être rétroactive, comme le suggèrent certains juristes. « La messe n’est pas dite », juge-t-on chez les industriels, car selon le texte de loi, la publication des montants de ces conventions irait bien au-delà des seuls professionnels de santé, pour concerner aussi les associations, les étudiants, les établissements de santé, les fondations, les sociétés savantes, les organismes de conseil et les éditeurs de logiciels. « Oui à la transparence,non à l’inquisition », nous confie-t-on.
Les industriels en veulent pour preuve le code de bonne conduite de l’EFPIA, l’équivalent européen du LEEM. Avec ce dispositif, les avantages et rémunérations sont rendus publics en enveloppe globale par chaque laboratoire, et non professionnel par professionnel.
Au SNITEM (dispositifs médicaux), la tonalité est globalement la même. Son directeur général, Éric Le Roy, reconnaît qu’il ne peut se satisfaire d’une disposition qui « complexifie à ce point » le travail des entreprises. « Il faut éviter le militantisme et être pragmatique. Nous sommes évidemment pour la transparence, mais il faut trouver un système juste, qui ne nous pénalise pas ».
La Cour européenne en ultime recours ?
L’Ordre des médecins est satisfait de la décision du Conseil d’Etat. Il rappelle qu’il a déposé ce recours pour restaurer la confiance entre patients et professionnels de santé, « ce qui nécessite la transparence », et se déclare prêt à réécrire le décret avec le ministère de la Santé.
Le Pr Patrick Fallet, qui enseigne le droit de la Santé à Paris-Sud, partage cette analyse. Un recours aurait pu être déposé devant le Conseil constitutionnel avant la publication de la loi, ce qui n’a pas été fait. Le Conseil aurait peut-être, trouvé à redire à cette transparence totale, au nom du droit des affaires ou du respect de la vie privée. Une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) ne pouvant être posée que dans le cadre d’un contentieux, l’ultime recours se situe désormais, selon lui, à la Cour européenne des droits de l’homme. « Mais je ne vois pas cette juridiction annuler une disposition de transparence pour les médecins, réclamée par les médecins eux-mêmes, par la voix du CNOM », analyse-t-il.
Contacté par « le Quotidien », le LEEM attend de disposer d’une analyse juridique complète de la décision du Conseil d’État pour s’exprimer sur le sujet.
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