C’est un rapport de l’Académie de Médecine qui a largement fait parler de lui dans les médias et déclenché de très vives réactions. « Nous savions que le sujet était sensible, mais notre volonté était d’éclairer le débat et de faire de la pédagogie », indique l’auteur de ce rapport sur « La place des génériques dans la prescription », le Pr Charles-Joël Menkès, ancien chef du service de rhumatologie de l’hôpital Cochin à Paris.
Le Pr Menkès fait partie, à l’Académie, de la commission II, chargée des médicaments. « Au début de l’année 2011, parmi les thèmes de travail évoqués, il y a eu les génériques. On m’a demandé si je pouvais faire une mise au point sur cette question et j’ai accepté », explique le Pr Menkès, en reconnaissant que, lors de sa pratique de rhumatologue, il s’est interrogé à plusieurs reprises sur la question des génériques. « J’ai quitté mon poste de chef de service à Cochin en 2000 à une époque où l’utilisation des génériques, dans notre discipline, était beaucoup moins large qu’aujourd’hui. Mais je me souviens être allé, il y a quelques années, en Égypte pour faire de l’enseignement et des consultations de rhumatologie. Sur place, il existe de nombreux génériques très bon marché du Cortancyl. Un jour, j’ai reçu en consultation un patient peu fortuné et ayant une maladie de Horton. Je lui ai donc conseillé de prendre un générique local, mais, une semaine plus tard, il est revenu avec une poussée inflammatoire. Sur le coup, cela m’a un peu interpellé. Ensuite, en rentrant en France, j’ai parlé de ce sujet avec plusieurs confrères qui ont reconnu qu’eux aussi avaient parfois connu un problème d’efficacité et de tolérance avec un générique ». Le Pr Menkès assure toutefois que c’est « sans a priori » et « sans conflit d’intérêt » qu’il a entamé ce travail pour l’Académie.
Une étude de bioéquivalence.
En ouverture de son rapport, il rappelle que, conformément à l’article L.5121-1 du Code de la santé publique, les médicaments génériques, qui se substituent à une spécialité de référence, ont la même composition qualitative et quantitative en principe actif, la même forme pharmaceutique et la biodisponibilité que cette spécialité. « L’autorisation de mise sur le marché est accordée après une simple étude de bioéquivalence, sur un groupe restreint, de 12 à 36 volontaires sains, en essai croisé (crossover), comparant la biodisponibilité du principe actif du produit princeps à celle du générique après une prise unique. Les paramètres comparés sont la concentration maximum dans le plasma (Cmax) et l’aire sous la courbe (AUC). La bioéquivalence est démontrée quand l’intervalle de confiance à 90 % (IC 90 %) du ratio princeps/générique des valeurs moyennes de ces paramètres est compris dans un intervalle (80 %-125 %). Cela implique que les concentrations plasmatiques d’un générique bioéquivalent ne devront pas être différentes de plus de 5 à 7 % des concentrations obtenues avec le princeps », souligne le Pr Menkès dans son rapport.
Il fait aussi valoir que les spécialités génériques sont soumises aux mêmes degrés d’exigences et de qualité que ceux des spécialités de référence. « Une surveillance se poursuit pour les produits autorisés avec un programme d’inspection sur les lieux de développement et de fabrication et un contrôle continu de la qualité du principe actif. Les obligations de pharmacovigilance s’appliquent à tous les médicaments princeps comme aux génériques », écrit le Pr Menkès.
Mais pour lui, il n’est pas exact de dire que le générique est la copie conforme de la spécialité référente dans sa présentation, des comprimés pouvant par exemple être remplacés par des gélules ou la nature de l’excipient pouvant varier. « Le changement d’excipient peut occasionner des réactions allergiques plus ou moins sévères et les formes orales des antibiotiques à usage pédiatrique peuvent avoir une tolérance digestive différente entre produit de marque et générique. Les malades âgés en traitement chronique peuvent être désorientés par les changements d’aspect et de dosage de leurs médicaments », souligne le rapport.
Exposer clairement les faits.
C’est ce constat, notamment, qui a suscité de vives réactions de certaines organisations de pharmaciens ou des fabricants de médicament génériques. Le Gemme par exemple, qui réunit neuf industriels du secteur, a dénoncé un rapport « inexact et mal documenté qui va à l’encontre des avis scientifiques européens ». « Ce rapport n’est pas une attaque contre les génériques, répond le Pr Menkès. Nous estimons, à l’Académie, que la place des génériques dans notre système de santé est aujourd’hui acquise et qu’il n’y a pas lieu de la remettre en cause. Nous constatons simplement que beaucoup de rumeurs ou d’informations approximatives sur le sujet circulent, notamment sur Internet. Et il nous paraît utile de ne pas esquiver ce débat et d’exposer les faits clairement. La priorité, selon moi, est de continuer à promouvoir les génériques par une pédagogie appropriée en direction des patients, des médecins comme des pharmaciens », indique le Pr Menkès qui juge aussi nécessaire de « rapprocher le plus possible la présentation du générique de celle du princeps en évitant notamment les excipients à effet notoire ».
D’après un entretien avec le Pr Charles-Joël Menkès, membre de l’Académie de médecine, ancien chef du service de rhumatologie de l’hôpital Cochin à Paris.
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