Le burn-out « est un syndrome, c'est une réalité sociétale à laquelle il faut apporter des réponses, pour cheminer vers la connaissance et la reconnaissance des victimes », a expliqué à la Commission des affaires sociales de l'Assemblée le député socialiste du Val-d’Oise, Gérard Sébaoun, rapporteur d'une mission sur le sujet, adoptée à l'unanimité ce 15 février.
Première recommandation : la création d'un centre national de référence, consacré à la santé psychique au travail, et adossé à l'Agence nationale de la santé publique (ANSP) devrait permettre d'approfondir les savoirs sur ce syndrome dont les contours sont flous. Selon l'ex-Institut national de veille sanitaire (INVS), 30 000 salariés seraient concernés ; 100 000 extrapole l'Académie nationale de médecine ; 3 millions de personnes seraient « à risque élevé » selon le cabinet Technologia. Parallèlement, le nombre de maladies psychiques reconnues comme maladies professionnelles par la voie complémentaire hors tableau (via un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, CRRMP) reste limité : 223 en 2013, 315 en 2014, 418 en 2015. « Il ne s'agit pas de rentrer dans une bataille de chiffres », coupe court Gérard Sébaoun. « Le burn-out n'est ni dans le DSM-V, ni dans la CIM-10 : pourtant, il existe et les cliniciens y sont confrontés », a enchéri Yves Censi (LR), président de la mission.
Protéger les médecins contre les sanctions judiciaires
Face à cette réalité, les réponses sont « insuffisantes, voire inadéquates », dénonce la mission. Elle propose la mise en place d'un nouveau questionnaire au service des médecins, pour dépister le burn-out (sur le modèle du Copenhague Burnout inventory, CBI), et l'instauration d'un réseau de centres de consultation spécialisés dans la souffrance au travail (les 103 consultations recensées par la mission, dont 35 dans des hôpitaux, sont débordées, et les généralistes ne sont pas toujours à même de faire le lien entre la pathologie de leur patient, et le travail).
Le rapporteur déplore la poursuite devant la juridiction ordinale de médecins (dont la moitié sont des médecins du travail) ayant produit des certificats ou des écrits médicaux établissant un lien entre pathologie et travail. Selon le syndicat de la médecine générale, cité dans le rapport, il y aurait chaque année 200 plaintes d'employeurs contre des médecins qu'ils accusent d'une attitude tendancieuse lors de l'établissement du certificat d'inaptitude. La mission préconise d'autoriser une contestation du diagnostic - avec éventuel recours devant le conseil de prud'hommes, mais sans qu'il y ait sanction contre le médecin du travail.
L’élaboration d'un tableau : une démarche par étapes
Eu égard à la difficulté de construire un tableau pour un syndrome qui n'a pour l'heure pas de définition précise, la mission propose d'expérimenter pour une durée limitée l'abaissement du taux d'incapacité permanente partielle (IPP) de 25 % à 10 % pour permettre la reconnaissance d'une maladie professionnelle, voire de faire sauter ce verrou - ce qui est le cas lorsque la pathologie relève d'un tableau de maladie professionnelle. Dans le même temps, les moyens des CRRMP devront être renforcés pour absorber la charge de travail supplémentaire à venir. « Le tableau reste une perspective à terme. Mais nous souhaitons procéder par étapes » a expliqué Gérard Sébaoun.
Le coût économique du burn-out est difficile à chiffrer. Le rapport suggère d'évaluer le coût des maladies psychiques liées au travail, supporté par l'assurance-maladie et propose que la branche accident du travail-maladies professionnelles (AT-MP) prenne d’ores et déjà en charge le suivi psychologique parfois nécessaire après un accident du travail.
Enfin, le rapport énumère une liste de propositions pour faire de la santé, en particulier psychique, un élément clef de la stratégie des entreprises : fournir aux entreprises des modèles types de document unique d'évaluation des risques (qu'elles sont obligées d'élaborer, mais seulement 50 % le font), étendre le droit d'alerte des délégués du personnel et du CHSCT à l'obligation de réaliser ce document unique, inscrire la prévention des risques psychosociaux (RPS) dans les négociations obligatoires annuelles, donner aux infirmières en santé au travail le statut de salarié protégé (comme pour les médecins), ou encore rendre obligatoire l'avis du service de santé au travail sur les chartes organisant le droit à la déconnexion.
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