Cédric Villani, lauréat de la médaille Fields en 2010 et député de l’Essonne, est candidat aux municipales à Paris. Création de centres de santé polyvalents (avec des praticiens rémunérés « environ 6 000 euros net »), service public de télémédecine, plateforme municipale de rendez-vous mais aussi objectif de diviser par deux le temps d'attente aux urgences : le mathématicien détaille au « Quotidien » son programme santé placé sous le signe de l’intelligence artificielle et des nouvelles technologies.
LE QUOTIDIEN : Paris n’est pas épargnée par les problèmes de démographie médicale. Que comptez-vous faire ?
CÉDRIC VILLANI : J’ai vu à Paris à quel point il est difficile de trouver des médecins. Le renouvellement des praticiens n’est pas assuré, il faut en attirer de nouveaux. Un travail général sur l’attractivité de la vie parisienne y participera. Mais il y a aussi un ensemble de mesures à prendre sur le loyer et le foncier. Comme les indépendants et les artisans, certains médecins n'ont pas les moyens de trouver un local. Je relancerai donc un travail de préemption et de rénovation de locaux abandonnés afin de les mettre à leur disposition. Un budget de 35 millions d’euros sur la mandature y sera alloué.
Il faut également réussir à surpasser les très grandes difficultés à obtenir un rendez-vous en secteur I. Je propose de créer dix centres de santé polyvalents, il en existe cinq aujourd’hui. Les praticiens y seraient rémunérés environ 6 000 euros net par mois.
Mais pour attirer des médecins, le salaire ne suffit pas. Il faut les décharger de leurs tâches administratives. Tout ce qui pourra être fait en ce sens sera salutaire. Paris doit offrir aux médecins les meilleures conditions possible et les meilleurs moyens administratifs, scientifiques et techniques pour leur permettre d'exercer la médecine du XXIe siècle.
Vous voulez faire de Paris la « capitale de la santé connectée ». Qu'entendez-vous par là ?
Paris a le devoir d’incarner un rôle d’innovation. Aujourd’hui, les robots et les algorithmes accompagnent les gestes des médecins, il faut être en pointe sur ces sujets. Un pôle de recherche va se constituer pour développer l’IA [intelligence artificielle, NDLR] au service de la santé.
Je veux aussi créer un service public de la télémédecine et mettre en place une plateforme municipale de prise de rendez-vous pour éviter une privatisation de ces outils. Je prévois aussi de déployer des drones capables d’acheminer un défibrillateur aux endroits où il y a une urgence. Ce n’est pas très compliqué à mettre en place, on a déjà résolu des problèmes mathématiques plus compliqués !
Tout cela relève aussi de l'attractivité de la ville. Je suis convaincu que les internes ne viendront travailler à Paris que s’ils peuvent participer à une dynamique de progrès. Je l'ai constaté dans les hôpitaux de la circonscription de l’Essonne dont je suis député. Les synergies en place à Orsay, Juvisy et Longjumeau, en lien avec le secteur scientifique du plateau de Saclay, sont de formidables outils d’attractivité. Il faut faire travailler les développeurs au cœur de l’hôpital, au plus près des médecins. Les étudiants doivent pouvoir trouver la stimulation et le bouillonnement intellectuel qu’ils recherchent. Paris sera la ville dans laquelle on crée la médecine de demain.
Quel président du conseil de surveillance de l’AP-HP serez-vous ?
L’AP-HP est un joyau dont on doit être fier. La façon dont les personnels se sentent abandonnés aujourd’hui est grave. On parle plus souvent des hôpitaux par la dette ou les économies que par l’humain et le dévouement de ses personnels dont le travail est héroïque. Une grande partie des difficultés et de la souffrance des soignants est liée à la difficulté à habiter à proximité de leur lieu de travail en raison des loyers. Je prévois de créer environ 25 000 places en logement social – dont plusieurs centaines voire milliers devront être réservées aux personnels de l’assistance publique.
Je veux également diviser par deux le temps d’attente aux urgences. C’est possible en développant les maisons médicales de garde libérales et en élargissant leurs horaires jusqu’à minuit par exemple. Il y a aussi une question d’organisation et de rationalité. Là encore les solutions technologiques ont leur mot à dire. Les systèmes d’information doivent pouvoir traiter le tout-venant et laisser aux humains le temps de s’occuper des cas les plus compliqués aux urgences.
Enfin, à la place du projet actuel pour l’Hôtel-Dieu auquel je suis opposé, je veux créer un conseil parisien de la santé composé de représentants des corps intermédiaires, des syndicats et d’institutions comme l’Académie de médecine ou l’assurance-maladie par exemple. Il s'agira d’un lieu de discussion et de partage dans lequel le maire aura un rôle d’animateur pour faire émerger des idées. Le maire de Paris doit incarner la ville même sur des sujets où il n’a pas complètement la main comme la santé. Il a le devoir d’agir de manière politique, il peut porter certains sujets publiquement, apostropher les acteurs et travailler avec eux.
Envisagez-vous de travailler avec Agnès Buzyn ?
Nous avons déjà eu l’occasion de discuter et de collaborer sur des questions de santé et d’intelligence artificielle notamment. Parfois en grand accord, d’autres fois en grand désaccord. J’ai notamment été critique sur le Health Data Hub. Ma crainte est que cette plateforme ne réussisse pas à décoller en raison de la pesanteur de sa gouvernance. J’espère me tromper...
Sur un potentiel rapprochement, la date limite de dépôt des listes est dépassée. En un si petit délai, lancer ce rapprochement aurait été un risque considérable de dilution des projets, d'écroulement administratif et d’explosion humaine. Je suis favorable à un dialogue constructif sur le fond mais je veux maintenir ma candidature qui est celle d’un scientifique entré en politique.
Transition de genre : la Cpam du Bas-Rhin devant la justice
Plus de 3 700 décès en France liés à la chaleur en 2024, un bilan moins lourd que les deux étés précédents
Affaire Le Scouarnec : l'Ordre des médecins accusé une fois de plus de corporatisme
Procès Le Scouarnec : la Ciivise appelle à mettre fin aux « silences » qui permettent les crimes