Le chef de l'Etat ne se contente pas, même si, dans sa démarche, le decorum reste aussi important que le message, d'exercer de manière exhaustive l'ensemble de ses pouvoirs. Il pense déjà à donner une dimension historique à son action politique. Il ne s'agit pas seulement, pour lui, de s'inscrire dans la lignée des présidents antérieurs. Son projet, sa vision, vont bien au delà. Il veut d'abord changer les institutions par des réformes profondes pour rapprocher les élus de leurs électeurs, ce qui le conduit à s'appuyer sur sa forte majorité pour créer une république différente et décentralisée : il a même prononcé le mot de girondin, par opposition à ce jacobinisme qui a fait de Paris le centre nerveux de la gestion territoriale pendant des siècles. Une république plus souple, plus égalitaire, plus juste, plus proche des administrés, plus soucieuse des citoyens qui ont du mal à suivre la marche de l'économie. Une république décidée à réduire les inégalités et à exprimer sa générosité, malgré l'ardente nécessité d'équilibrer les comptes.
Certes, il ne suffit pas de décrire des intentions pour qu'elles se traduisent par des résultats. C'est sur les chemins escarpés ou dans les virages les plus périlleux que l'attendent des opposants décidés à ne pas se laisser noyer par le déluge verbal du président. Mais ils doivent au moins reconnaître qu'il applique à sa majorité des contraintes durables et des engagements qu'elle ne pourra pas contourner ou négliger. Il a fixé des rendez-vous, dans un an, dans deux ans, dans cinq ans, avec un cahier des charges qui devra donner lieu à des accomplissements inscrits au calendrier et quantifiables. La largeur du spectre des tâches à réaliser donne le vertige. La profondeur des changements envisagés défie les imaginations : demander à une majorité ivre d'un succès inespéré de réduire d'un tiers les effectifs des trois assemblées, c'est exiger d'elle qu'elle fasse le sacrifice le plus dur ; ajouter à cela le non-cumul des mandats dans le temps et dans l'espace, c'est diminuer les perspectives d'avenir de ceux qui accèdent à peine au mandat électif ; assurer que le déficit budgétaire doit être ramené à 3 % du PIB dès cette année, c'est mettre les nouveaux ministres à la diète ; introduire la proportionnelle dans uns scrutin majoritaire qui a prévalu pendant 59 ans, c'est contraindre la même majorité à rétrocéder des sièges à l'opposition.
Le projet macronien
Des réformes ? Le projet macronien va plus loin. C'est l'invention de méthodes inédites de travail adaptées aux changements institutionnels annoncés, celles-là découlant de celles-ci. D'où vient ce chamboulement des voies et moyens de gouvernement ? D'un constat accablant, l'incapacité des prédécesseurs de M. Macron à redresser le pays sur tous les plans, moral, social, économique, parce que, dès qu'ils ont obtenu le pouvoir, ils ont eu pour les habitudes, les privilèges et la complicité des happy few une complaisance qui leur a fait oublier la nécessité d'obtenir des résultats. Sans doute le projet de confronter l'action gouvernementale à des inventaires et des évaluations qui auront lieu à date fixe est-il le plus novateur. On se posera la question de l'autonomie d'un ministre, de sa capacité à innover quand la règle lui est imposée par une instance supérieure à la sienne, de l'équité douteuse d'un système de plus en plus scolaire et contraignant mais avide en performances.
Depuis lundi, l'affrontement entre majorité et opposition a commencé, ne laissant pratiquement aucun espace pour l'état de grâce. Beaucoup de nos concitoyens, sinon tous, sont pour leur part décidés à accorder un répit à cette gouvernance dont M. Macron nous a décrit les superstructures avec un soin minutieux. Un répit et une chance de durer, pour autant que, dans six mois ou dans un an, ils perçoivent des avancées sociales dont ils se réjouiront. C'est une course ; et le gouvernement ne gardera son souffle que s'il parvient à démontrer qu'il a fait reculer le chômage et les inégalités.
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