La création de la branche consacrée à la perte d'autonomie sera-t-elle « la grande réforme sociale de ce quinquennat », comme s'y est engagé Olivier Véran ? Trêve de promesses, le secteur attend des gages.
Réunis à Paris pour les Assises nationales des EHPAD, les professionnels du grand âge ont affiché leur impatience de voir le gouvernement concrétiser ce chantier tant attendu. Sa colonne vertébrale – la loi grand âge et autonomie – initialement prévue en 2019, ne verra pas le jour avant l'an prochain. Et pourtant, « jamais un texte législatif n'avait été autant documenté », recadre la députée de Seine-Maritime Agnès Firmin Le Bodo (AGIR) en référence aux multiples rapports commis sur le sujet (enjeux, valorisation des métiers, financement).
La crise du Covid-19 pourrait être le catalyseur qui manquait. Dès juillet, le gouvernement a fait adopter une loi gravant dans le marbre la création d'une cinquième branche de la Sécu dédiée à l'autonomie. « La plus belle chose que puisse annoncer un ministre des Solidarités et de la Santé », pavoisait alors Olivier Véran. Mais au-delà de l'affichage politique, son contenu reste flou. Si le locataire de Ségur a promis « au moins un milliard d'euros » dès l'an prochain, il faudra attendre le projet de loi de financement de la Sécu 2021 pour connaître l'enveloppe et le fléchage précis. Et il ne s'agit que d'une amorce de financement.
Urgence sur les métiers
Une chose est sûre, les professionnels du secteur veulent avoir leur mot à dire. Périmètre, gestion, priorités : les Assises des EHPAD ont montré l'ampleur des attentes.
La gouvernance des politiques liées à l'autonomie fait débat. Pour Olivier Richefou, président du conseil départemental de la Mayenne (UDI), le couple préfet/élus devra être aux manettes. Antoine Perrin, directeur général de la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés solidaires (FEHAP), estime que c'est au niveau régional (ARS et conseils régionaux) que le leadership doit s'établir. « Le préfet a un rôle à jouer en temps de crise, pas au quotidien », juge-t-il.
Un large consensus existe autour de la valorisation des métiers du grand âge. Pour Dominique Libault, président du Haut conseil du financement de la protection sociale, il y a même urgence. Il suggère la création de 80 000 postes supplémentaires d’ici à 2024 (1,2 milliard d'euros). « Si on n'a pas suffisamment de personnels qualifiés, toutes les belles constructions n'auraient aucun sens, la crise sanitaire l'a rappelé », a-t-il résumé sous les applaudissements, lors des assises des EHPAD.
Qui payera ?
Avec des besoins estimés entre 6 et 10 milliards d'euros par an, la question du financement reste la plus sensible. Chargé de trouver « un milliard d'euros dès 2021 et trois à cinq milliards à horizon 2024 », l'inspecteur général des finances Laurent Vachey a proposé notamment des économies de quelques centaines de millions d'euros sur l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) mais aussi des coups de rabot sur certaines niches fiscales pour l'aide à domicile et les résidents d'EHPAD. L'association des directeurs de maisons de retraite AD-PA a aussitôt critiqué cette voie et appelé à une « réforme beaucoup plus ambitieuse ».
La ministre déléguée chargée de l'autonomie Brigitte Bourguignon s'apprête à lancer un « Laroque de l'autonomie » sur le modèle du Ségur de la santé. « Cela ne doit pas aboutir à un rapport de trop », prévient, dubitative, Agnès Firmin Le Bodo. En déplacement mardi dernier dans un EHPAD du Loir-et-Cher, Emmanuel Macron a promis une « consultation expresse » et la présentation d'un texte de loi « en début d'année prochaine ». Le chef de l'État s'est engagé sur une « réponse globale et ambitieuse » basée sur la revalorisation des métiers, l'investissement et le décloisonnement. Une feuille de route qui reste à écrire.
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