Le Quotidien : Quelles sont les particularités de la problématique de l’accès aux soins et à la vaccination en période Covid dans les quartiers les plus défavorisés de Marseille ?
Dr Annie Levy-Mozziconacci : Aujourd’hui, 30 % des Covid hospitalisés à l’AP-HM le sont dans un service de réanimation. 70 % des personnes en réanimation sont atteintes de Covid ; il s’agit d’hospitalisations particulièrement longues et chronophages. Et 59 sur 67 patients hospitalisés en réanimation ne sont pas vaccinés. On constate que, dans les Bouches du Rhône et à Marseille en particulier, il existe des différences avec d’autres régions de France qui s’inscrivent dans des particularités territoriales en matière de vaccination. On a même noté des variations du taux de vaccination au sein même des différents quartiers de la ville de Marseille.
Ces différences, nous les avions déjà notées dès le mois de mars 2020, date à laquelle en collaboration avec des soignants des quartiers nord, l’AP-HM a contribué à la mise en place d’un collectif « Nord Covid » avec Médecins Sans Frontières et le tissu associatif local particulièrement engagé. À cette époque-là, en plein confinement, difficile pour des personnes précaires, se déplaçant le plus souvent en transports en commun et souvent en situation de fragilité, d’aller au centre de Marseille pour être testées à l’IHU (après avoir fait plusieurs heures de queues en plein air…). D’où l’idée – pour lutter contre cette situation inégalitaire - de mettre au point localement, au sein de l’hôpital Nord, des tests PCR utilisables pour les populations avoisinantes. Notre choix « d’aller vers » les populations pour proposer aujourd’hui une vaccination aux plus éloignés des soins est la suite logique de notre action.
Quelle stratégie avez-vous déployée pour majorer la couverture vaccinale des quartiers Nord ?
Avec l’aide de l’Association SEPT et des soignants du Centre de Santé du Vallon de Malpassé, l’appui de l’ARS et grâce à l’AP-HM qui a fourni gratuitement des vaccins, des binômes soignant-travailleur social vont au plus près des populations qui souvent ne savent ou ne peuvent pas suivre de parcours de prise de rendez-vous dans les centres de vaccination.
Comment opèrent ces petites équipes ?
Ces équipes mobiles (incluant le plus souvent une personne capable de s’exprimer en plusieurs langues) montent à pied les étages des immeubles, vont sonner aux portes et discuter avec des personnes qui n’ont pas eu jusque-là l’occasion de poser des questions légitimes sur les effets du vaccin. En effet, dans les centres de vaccination, il n’existe pas de lieu identifié pour l’écoute des personnes inquiètes qui ont besoin avant tout d’échanger en raison des craintes véhiculées autour du vaccin.
Et quel en est le bilan ?
Grâce aux médiateurs de santé et du fait de cette approche du « aller vers », 80 % des personnes contactées acceptent d’être vaccinées après information et incitation individualisée. Il reste bien sûr une population réfractaire et le Collectif Nord Covid propose d’adjoindre désormais des anthropologues, sociologues et psychiatres à l’action menée localement afin de mieux individualiser les freins locaux à la vaccination et proposer une stratégie de territoire mieux adaptée aux populations.
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