La réforme du grand âge et de l’autonomie est-elle enterrée à cause de la crise sanitaire, comme le redoute le secteur de la dépendance ?
La réponse est non, affirme Brigitte Bourguignon, chargée de piloter ce chantier au gouvernement. Auditionnée par la commission des Affaires sociales du Sénat, elle s'est employée à rassurer en déclarant que « cette réforme est sur les rails ». Après la création de la cinquième branche de la Sécurité sociale – destinée à l’autonomie des personnes âgées et handicapées – un projet de loi visant à ouvrir les EHPAD sur la ville, promouvoir le maintien à domicile, revaloriser les salaires des aidants ou encore uniformiser les aides et les tarifs est en préparation pour « tenir compte des enseignements de la crise ».
Virage domiciliaire, le maître-mot
Plusieurs fois repoussé, mis entre parenthèses depuis des mois, ce texte (qui suppose d'agir notamment sur les logements et les métiers) pourrait être débattu au Parlement en juillet ou en septembre, ce qui permettrait à Emmanuel Macron d'en faire, in extremis, un marqueur social de son quinquennat.
Devant la commission sénatoriale, Brigitte Bourguignon a en tout cas mis en avant le fameux « virage domiciliaire », qui signifie moins de séjours en établissements. « Il faut investir dans l’adaptation des logements (au grand âge), a-t-elle plaidé. Il n’est pas normal qu’en France seulement 6 % des logements soient adaptés, contre 16 % aux Pays Bas ». Ce virage est plébiscité par 80 % des Français qui attendent que les politiques publiques incitent précisément au maintien à domicile, selon un sondage Odoxa publié cette semaine. Dans la même logique, 79 % d'entre eux jugent que « c’est à la collectivité, à la solidarité nationale plutôt qu’aux personnes dépendantes elles-mêmes de financer un panier de services » – incluant par exemple des ateliers collectifs de prévention des chutes, de sensibilisation à l’activité physique, ou des heures d’assistance administrative pour mieux vivre chez eux.
Rémunérations et recrutements
La question du financement reste le principal défi mais l'exécutif espère trouver une voie de passage entre les crédits déjà prévus (Ségur de la santé, plan de relance, demain fraction de CSG) et les nouvelles recettes à trouver…
Le gouvernement a prévu de mettre sur la table environ 4,5 milliards d'euros chaque année dont 2,1 milliards par an déjà issus du plan de relance et du Ségur. Ces crédits doivent permettre de rénover les EHPAD sur cinq ans, d'adapter une partie des logements, de revaloriser les rémunérations des soignants des EHPAD et le secteur de l'aide à domicile. Quelque 500 millions supplémentaires pourraient permettre de recruter jusqu'à 10 000 postes de soignants dans les EHPAD. Et dès 2024, rappelle Brigitte Bourguignon, la cinquième branche recevra un financement dédié de 0,15 point de CSG, soit 2,3 milliards d'euros par an. « On a les moyens de notre ambition aujourd'hui », assure l'ex-députée du Pas-de-Calais.
Nouvel impôt ?
Sans convaincre totalement… Pour la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), qui pilote la cinquième branche, ce financement reste insuffisant au regard des enjeux et des besoins du grand âge. Cette caisse a envisagé un scénario plus offensif – une CSG autonomie – sous la forme d'une nouvelle « ressource à assiette large et à taux faible (0,28 %) ». Elle s’élèverait à 52 euros par an soit « 4,35 euros par mois pour un salaire au niveau du SMIC ». Selon les estimations, ce financement solidaire procurerait une recette minimum de 5 milliards d’euros supplémentaires par an à l’horizon 2030.
« S'agit d'une fiscalité supplémentaire ou d'une répartition différente ? », a aussitôt interpellé le sénateur centriste du Pas-de-Calais, Jean-Marie Vanlerenberghe, lors de l'audition de la présidente de la CNSA, Marie-Anne Montchamp. « On n'est pas là pour imaginer la politique fiscale du gouvernement, a-t-elle rétorqué. Quand le législateur nous a apporté une contribution à 0,15 % de CSG en 2024, il n'y a pas eu d'augmentation de la CSG mais réaffectation des ressources rendues disponibles par une évolution de notre système de protection sociale. »
La quête de recettes pour l'autonomie pourrait passer (en partie) par une répartition différente des ressources entre les branches de la Sécu. « Ce transfert ne serait pas assorti d'une diminution des dépenses d'une autre branche mais d'une amélioration de la qualité des dépenses par l'ensemble des branches. On a besoin d'efficience », argumente la présidente de la CNSA. « Si on n'est pas capable d'apporter la bonne réponse à la personne qui avance en âge, en particulier dans le champ de la prévention, c'est l'hôpital qui devra s'y coller. »
Transition de genre : la Cpam du Bas-Rhin devant la justice
Plus de 3 700 décès en France liés à la chaleur en 2024, un bilan moins lourd que les deux étés précédents
Affaire Le Scouarnec : l'Ordre des médecins accusé une fois de plus de corporatisme
Procès Le Scouarnec : la Ciivise appelle à mettre fin aux « silences » qui permettent les crimes