Après la qualification d'Emmanuel Macron et de Marine Le Pen pour le second tour de l'élection présidentielle, le monde de la santé se trouve face à un dilemme. Quel candidat propose le meilleur programme, ou le moins mauvais ? Si de nombreux syndicats du secteur prennent clairement leurs distances vis-à-vis de la candidate frontiste et appellent à faire barrage au FN, d'autres sont beaucoup plus mesurés.
« Pas d'états d'âme » à la FMF
Côté praticiens libéraux, la CSMF, MG France et la FMF sont sur la même ligne. « Macron ne nous enchante pas, vu la quantité de conseillers de Marisol Touraine qui l'ont rejoint, analyse le Dr Jean-Paul Hamon, président de la FMF, alors que Fillon avait un programme santé qui tenait plus la route. Mais on ne discute pas avec le FN, et pour le second tour, nous n'aurons pas d'états d'âme ». Le président de la FMF ne donne pas de consigne de vote : « les médecins sont assez matures pour prendre leur décision tous seuls ».
Pas de consigne explicite non plus à la CSMF, mais son président rappelle que « l'ADN de la Confédération, c'est la médecine libérale et sociale ». Pour le Dr Jean-Paul Ortiz, le choix est clair : « les médecins doivent juger en fonction de leur éthique personnelle. Pour ma part, je pense que nous devons soigner toute personne, quelle que soit son origine ou sa situation ». Dans la même veine, le Dr Claude Leicher (MG France), dénonce les risques de voir une partie de la population exclue des soins « en fonction de ses origines. MG France ne peut accepter ces thèses », souligne-t-il. Le syndicat devrait publier un communiqué exprimant ses réticences vis-à-vis des propositions d'un des deux candidats, « mais sans le nommer ».
Craintes d'un gouvernement « Hollande bis » avec Macron
L'Union française pour une médecine libre (UFML) a choisi la vidéo et Twitter pour relayer sa position. Entre un « hold-up démocratique » et « la haine », l'association du Dr Marty demande aux médecins de « réfléchir » tout en rejetant « l'extrémisme ». Mais, souligne-t-il surtout, le combat n'est pas terminé.
Pour défendre la liberté de soigner préparons le 3ème tour des soignants.#EmmanuelMacron #MarineLePen. https://t.co/m9iuoarnEE
— UFML (@UfmlAsso) April 24, 2017
Au BLOC et au Syndicat des médecins libéraux (SML), l'analyse est nuancée, signe d'une forme de désarroi. Le Dr Philippe Cuq, coprésident du BLOC, le reconnaît : « On est perplexe devant les deux candidats ». Avec Macron, craint-il, ce sera « du Hollande bis » sur les réseaux de soins. « On connaît ses soutiens, ils étaient avec Marisol Touraine avant », assure-t-il. Même constat du côté du Dr Philippe Vermesch pour qui « Macron, c'est la logique des réseaux de soins ». Le président du SML observe aussi que le FN veut protéger le maillage territorial des acteurs indépendants de santé, comme les pharmaciens ou les médecins. Il apprécie en revanche – comme Philippe Cuq – les prises de position du fondateur d'En Marche! sur l'homogénéisation et la transparence des contrats des complémentaires santé.
La volonté de Marine Le Pen de supprimer l'AME ? Le Dr Cuq juge qu'elle n'est pas si éloignée de celle de François Fillon. « Notre rôle est bien sûr de soigner sans exclusive, concède-t-il, mais le coût de l'AME et les abus qu'elle génère posent problème ». Sur ce sujet, le Dr Vermesch abonde : « on en est à un milliard d'euros de dépenses, c'est une gabegie ». Pour le patron du SML, dans le couple Macron-Le Pen, « il n'y en a pas un qui est tout noir et l'autre tout blanc ».
Plus tranché, son prédécesseur à la tête du SML, le Dr Eric Henry, avait envoyé en fin de semaine dernière un SMS à sa liste de contacts téléphoniques pour indiquer que dès le premier tour, il voterait Macron, « plus visionnaire, plus moderne, plus dynamique et plus ouvert ».
Le patron de la FHF veut contrer le FN
À l'hôpital public, le résultat du premier tour fait écho à l'écartèlement du secteur entre un positionnement politique traditionnellement à gauche et un vote d'adhésion au FN en forte augmentation pour les fonctionnaires hospitaliers les plus précaires.
Figure représentative des 1 000 établissements publics en sa qualité de président de la Fédération hospitalière de France (FHF), Frédéric Valletoux, par ailleurs maire LR de Fontainebleau et soutien d'Alain Juppé, a sonné la charge anti-FN dès l'annonce des résultats :
Cette élection est un séisme pr la droite & centre. Le 7/5, je voterai @EmmanuelMacron sans état d'âme pr contrer le #FN #Presidentielle2017
— Frédéric Valletoux (@fredvalletoux) 23 avril 2017
Moins tranchée, la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP) laisse les 1 000 cliniques seules juges de leur choix. « La FHP respecte le principe de neutralité syndicale et n’a pas vocation à donner des consignes de vote, explique ce lundi le président Lamine Gharbi au "Quotidien". Elle fait confiance à ses adhérents, dirigeants de cliniques et hôpitaux privés, pour faire leur choix en conscience au regard des enjeux pour notre système de santé et des défis à relever pour demain ».
PH et directeurs contre toute forme d'exclusion
Les syndicats des praticiens hospitaliers réagissent à l'unisson de la FHF, même si aucun ne donne de consigne formelle. « Pas la peine, nous voterons tout naturellement pour le seul candidat démocrate », tranche le Pr Sadek Beloucif (SNAM-HP), « étonné » qu'il puisse y avoir débat. « Nous n'avons pas besoin de donner des consignes car les choses vont se faire naturellement, enchérit le Dr Rachel Bocher, à la tête de l'INPH, qui convient que « plus l'écart entre les deux candidats sera important, mieux ce sera. » Pour l'adjointe au maire de Nantes, « la question n'est pas tant de s'interroger sur qui sera le prochain président que d'anticiper l'après ».
« À titre personnel, je voterai Macron », lâche aussi le Dr Norbert Skurnik, président de la CMH. « Notre intersyndicale s'est toujours battue contre l'extrémisme, la xénophobie et le racisme », assure-t-il, rappelant sa « confiance extrêmement forte » en Olivier Véran, neurologue hospitalier et conseiller santé d'Emmanuel Macron. Action praticiens hôpital – qui réunit Avenir Hospitalier et la CPH – condamne également « le racisme, l'exclusion, la xénophobie et la discrimination ».
Chez les managers, le SMPS a réagi par la voix de son président Jérémie Sécher en indiquant être « extrêmement attentif à ce que le futur président apporte des garanties afin que la prise en charge hospitalière soit au bénéfice de toutes les populations. » Même terminologie chez les usagers de l'Union nationale des associations agréées du système de santé (qui regroupe 72 organismes dont le CISS) : « Avoir comme mesure phare la suppression de l’aide médicale d’État ne fait pas une politique de santé publique… bien au contraire ! »
À la Mutualité française enfin, Thierry Beaudet, comme Marisol Touraine, va droit au but. « En tant que président d'un mouvement social fondé sur la solidarité et la démocratie, je ne peux qu'appeler à faire barrage au FN qui est aux antipodes de nos valeurs et de nos actions », indiquait-il dès dimanche soir.
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