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Dossier

Face à "Ma santé 2022", droite et gauche restent sans voix

L'opposition à court d'idées sur la santé ?

Publié le 22/11/2018
L'opposition à court d'idées sur la santé ?

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AFP

« La défaite électorale nous a laissés un peu tout nus », soupire le Pr Philippe Juvin. Un aveu de taille pour le patron des urgences de l’Hôpital européen Georges Pompidou, qui est aussi député européen « Les républicains » (LR) et qui compte parmi les éminences grises de son parti en matière de santé. Maigre consolation pour le PU-PH : LR n’est pas la seule formation politique à se trouver démunie. Face au plan « Ma Santé 2022 » récemment annoncé et au Projet de loi de financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) en cours d’adoption, le désarroi est assez généralisé.

Les adversaires politiques les plus acharnés d’Emmanuel Macron sont en effet eux-mêmes obligés de concéder quelques vertus aux récentes annonces. Le secrétaire nationale aux nouvelles solidarités du Parti socialiste (PS) Stéphane Troussel, en charge des questions de santé rue de Solferino, se sent par exemple contraint de reconnaître du bout des lèvres que la suppression du numerus clausus « résonne vis-à-vis de l’opinion ».

Même chez La France insoumise (LFI), on ne tire pas un bilan uniformément noir du plan « Ma Santé 2022 ». « Il y a trois points positifs dans ce plan : la fin du numerus clausus, la fin de la T2A, et la création des assistants médicaux », estime par exemple Caroline Fiat, députée mélenchoniste de Meurthe-et-Moselle et aide-soignante de profession.

Plus facile de dire…

Bien sûr, ces louanges plus ou moins timides ne sont qu’un prélude à la critique. « Les annonces ne sont pas au niveau de la gravité d’un certain nombre de situations : urgences, psychiatrie, maisons de retraite… », attaque Stéphane Troussel. Côté France Insoumise, François Ruffin ne manque jamais une occasion de s’emparer du micro sur des sujets comme la Dépakine, la situation de la psychiatrie ou les emplois hospitaliers. « Les moyens ne suivent pas », résume de son côté Caroline Fiat. A droite, les remontrances sont tout aussi virulentes. « Les mesures annoncées sont très partielles et très insuffisantes », alerte Philippe Juvin. « Si on compte sur elles pour régler les problèmes, on va vers des déconvenues. »

Et l’extrême-droite n’est pas en reste quand il s’agit de tirer sur le gouvernement. « On est en train de décortiquer patiemment notre système de santé, de le recentraliser, et on démantibule complètement la profession de médecin généraliste en distribuant le travail à d’autres corps de métier », s’exclame le Dr Muriel Fiol, généraliste à la retraite, conseillère régionale « Rassemblement national » (RN) de Provence-Alpes-Côte-d’Azur (Paca) et membre du Conseil national du parti lepéniste.

… que de faire

Mais si la critique est facile, l’art est difficile, et les responsables de l’opposition le savent bien. Lorsqu’on demande aux principaux ténors du secteur de la santé ce qu’ils ont à proposer en lieu et place des réformes mises en œuvre par l’exécutif, ils se font tout à coup moins éloquents. A droite, Philippe Juvin insiste par exemple sur la nécessité d’assainir le cadre macro-économique. « Il y a une relation entre viabilité du système de santé et l’état économique du pays », explique le député européen. « Quand la dette et le chômage galopent, il y a moins d’argent pour la redistribution et pour la santé. » On a connu l’universitaire plus précis.

A gauche, le socialiste Stéphane Troussel en appelle sans surprise à « faire d’autres choix budgétaires ». Il insiste également sur la prévention, les parcours de santé, la télémédecine… Sans pouvoir (ou vouloir) donner plus de précisions. Même sécheresse du côté de l’extrême-gauche. « Nous avons été élus sur L’Avenir en commun [le programme de La France Insoumise pour la présidentielle et les législatives de 2017 ndlr] et sur les livrets thématiques qui y étaient associés, donc notre feuille de route sur la santé, c’est le livret santé », élude Caroline Fiat.

Une usine à idées en panne

Le problème, c’est que la fabrique des idées sanitaires semble tourner au ralenti dans l’opposition. En octobre, le député LR Jean-Carles Grelier a bien tenté de relancer le débat. Mais hormis quelques audaces -comme l’indexation du tarif des actes sur le coût de la vie- sa proposition de loi, finalement retoquée, a eu bien du mal à s’écarter des orientations gouvernementales. On peine d’ailleurs à identifier au sein de chaque parti les personnalités ou structures chargées de la réflexion sur le sujet. Au sein d’un même parti, différentes personnalités peuvent même présenter des visions des choses relativement divergentes.

Ainsi, Philippe Juvin évoque un groupe de travail composé de personnalités en poste « qui ont parfois des responsabilités au sein de l’Etat » et qui travaillent avec lui « sur les dossiers de fond », alors que son collègue et confrère du Palais Bourbon, le député Jean-Pierre Door, dit « ne pas avoir connaissance » de structure particulière s’intéressant à la santé au sein de LR.

Stand-by

Même confusion du côté du RN : Muriel Fiol évoque un mystérieux groupe de travail « assez resserré autour de Marine Le Pen », mais se bornera à dire que qu’il opère « de manière interactive » et qu’il vise à « se donner le temps de faire quelque chose qui tienne la route ». De l’autre côté du spectre politique, Caroline Fiat avoue que le travail destiné à actualiser les livrets thématiques, dont le livret santé, est « un peu mis en stand-by ».

Finalement, c’est au parti à la rose que l’on trouvera l’organisation la plus aboutie. « En dépit des difficultés du PS, notre commission nationale santé a continué à fonctionner », indique Stéphane Troussel. Celui-ci annonce qu’un chantier « santé-territoire » a été lancé et que le député de la Mayenne Guillaume Garot prépare une proposition de loi sur le sujet. Mais le socialiste ne va pas jusqu’à en dévoiler les grandes lignes !

Adrien Renaud