Le peuple corse demande-t-il pour autant son indépendance ? Celle-ci est-elle viable ? Les dirigeants politiques corses ont souvent exprimé une aspiration pour un statut qu'ils ont réclamé avec plus d'ardeur qu'ils n'avaient les moyens de le réaliser. On les soupçonnera de vouloir conserver un soutien de la métropole, naguère appelée « pays ami » par un Talamoni jamais miné par le doute, tout en s'affranchissant de toute contrainte liée aux attaches puissantes qui amarraient la Corse à la France. Le Premier ministre, Edouard Philippe a, dès le soir de l'élection, invité M. Simeoni à venir discuter avec lui. Le gouvernement, de toute évidence, n'entend pas contester la victoire des nationalistes, ni même s'appuyer sur l'abstention (43 %), ni sur les résultats des autres mouvements qui, s'ils avaient formé un front républicain, auraient totalisé 43 % des suffrages exprimés. Le scrutin a été organisé avec l'assentiment du pouvoir central et ne sera pas contesté.
Trois revendications majeures
Mais il y aura un tri à faire entre les revendications des nationalistes. Ils réclament l'amnistie pour tous les prisonniers corses qui ont eu maille à partir avec la justice républicaine (on voit mal l'assassin du préfet Claude Erignac, Yvan Colonna, remis en liberté), des mesures pour empêcher l'invasion de l'île par ceux de la métropole qui ont les moyens de s'offrir des terres ou une maison, et la coexistence officielle de la langue corse et du français, que le porte-parole du gouvernement a écartée d'une chiquenaude. Le nationalisme a progressé depuis que le FLNC a déposé les armes il y a trois ans et renoncé à la violence. Mais il reste marqué, dans ses exigences, par l'intolérance pour tout ce qui n'est pas corse. Il y a dans la victoire de dimanche dernier une telle jubilation, une telle ivresse, une telle certitude des vainqueurs qu'ils ont enfin trouvé la bonne approche pour parvenir à leurs fins, qu'il sera difficile de les ramener au calme et à la patience. Ils feront valoir qu'ils ne pratiquent plus la violence, qu'ils se sont livrés à un parfait exercice démocratique et que, dans ces conditions, le pouvoir politique doit se rendre à leurs arguments.
Il serait très difficile pour le gouvernement de la République en marche d'être celui qui a offert l'indépendance à la Corse et il ne le fera pas. Il ne lui sera pas moins difficile d'amnistier des personnes pour qui les crimes qu'ils ont commis servaient au triomphe d'une cause politique et ne sauraient être assimilés à des crimes de droit commun. Et il sera tout aussi difficile pour le gouvernement de flatter par le filtrage des « immigrants » de la métropole une forme de xénophobie qui a toujours affecté la Corse, livrée aux plasticages et aux destructions de villas fraîchement construites sur le littoral. Edouard Philippe souhaite appliquer la méthode qu'il a engagée avec la Nouvelle-Calédonie, où il s'est rendu récemment, pour exposer une politique française fondée sur l'humilité et la reconnaissance des droits des Canaques qui, pourtant, ne forment pas la majorité, de la même manière que les nationalistes et indépendantistes corses ne représentent peut-être qu'une minorité, dès lors que l'enthousiasme nationaliste n'a pas gagné les abstentionnistes.
Inutile de se voiler la face : le nationalisme corse, que le réalisme économique et social n'a jamais freiné, sort galvanisé du scrutin de dimanche dernier. M. Simeoni est celui qui, pour le moment, mène le bal, mais M. Talamoni n'est pas à l'abri d'une surenchère et donc d'une dérive qui le conduirait à réclamer plus vite l'indépendance de la Corse, malgré les nombreuses difficultés structurelles qui risquent de la rendre inopérante. La non-violence, quelle bonne idée pour obtenir ce que la violence produit rarement.
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