Les 3 allèles de l'apolipoprotéine E, modifiant le risque de la maladie d’Alzheimer, modulent différemment le métabolisme énergétique du cerveau, selon l’étude d’un modèle murin dont les résultats sont publiés dans « Journal of Neuroscience ».
« Notre étude prouve clairement que les trois isoprotéines ApoE humaines ont une influence distincte sur le métabolisme cérébral du glucose, le principal combustible énergétique du cerveau. Plus précisément, nous avons découvert que le métabolisme glycolytique du glucose est considérablement compromis dans les cerveaux exprimant l’ApoE4, ce qui pourrait être dû, en partie, à une baisse de l'expression et de l'activité de l'hexokinase, l'enzyme responsable de l'étape initiale de la glycolyse. Par contraste, les cerveaux exprimant l’ApoE2 montrent une activité hexokinase et glycolytique la plus forte parmi les 3 cerveaux exprimant les différentes isoprotéines ApoE », explique au « Quotidien » le Dr Liqin Zhao, de l'Université du Kansas (Lawrence, États-Unis) qui a dirigé l’étude.
Cette influence différente sur la fonction glycolytique du cerveau pourrait expliquer l’impact différent des génotypes ApoE sur le développement de la maladie d’Alzheimer (MA), « l’ApoE4 (20 % de la population) étant le facteur de risque génétique le plus fort, l’ApoE2 (5 % de la population) étant le génotype neuroprotecteur, et l’ApoE3 (75 %) le génotype neutre », précise le Dr Zhao.
« Les résultats de notre étude indiquent que l'interférence de l’ApoE4 sur le métabolisme glycolytique du glucose pourrait sous-tendre le risque accru de MA lié à ce génotype. D'autre part, la forte activité glycolytique associée à l’ApoE2 pourrait augmenter la résilience du cerveau contre l'apparition des changements pathogènes aboutissant au développement de la maladie d'Alzheimer », poursuit la chercheuse.
Des pistes thérapeutiques pour le traitement et la prévention
Les chercheurs espèrent que ces observations ouvrent la voie à de nouvelles stratégies pour aider à prévenir ou traiter la maladie. Parmi ces stratégies, la supplémentation en pyruvate qui vise à « restaurer le déficit en énergie chez les patients porteurs de l’ApoE4 au stade précoce de la maladie d’Alzheimer. Les études sont encore en phase préclinique », confie le Dr Zhao.
Une autre piste est également explorée, « en collaboration avec l’équipe du Dr Teruna Siahaan qui a récemment développé des peptides modulateurs de la barrière hémato-encéphalique qui facilitent l'entrée de grosses molécules dans le cerveau. Nous espérons utiliser cette nouvelle technologie pour délivrer la protéine ApoE2 dans les cerveaux qui expriment l'ApoE4, afin d’atténuer certains des effets négatifs de l'ApoE4 et majorer la résistance du cerveau contre la maladie d'Alzheimer », indique le Dr Zhao.
Focus sur des stratégies neuroprotectrices
Le recours à des stratégies neuroprotectrices lui semble aujourd’hui nécessaire. « De tout temps, la recherche sur la maladie d’Alzheimer (MA) s’est concentrée principalement sur la pathologie mais cette voie s’est révélée être extrêmement décevante. Parmi des centaines de candidats évalués dans les essais cliniques au cours des 10 à 15 dernières années, nous n'avons pas obtenu un seul succès. Ceci suggère que nos cibles thérapeutiques actuelles pourraient ne pas reproduire correctement qui se passe réellement dans les cerveaux humains atteints de MA », note le Dr Zhao.
En attendant de comprendre clairement la pathogenèse de la maladie, « les stratégies neuroprotectrices semblent une bonne approche alternative. Nos travaux récents sur l’ApoE2 ont tenté de mieux comprendre les mécanismes moléculaires expliquant les propriétés neuroprotectrices de ce génotype. Nous pensons qu'une stratégie visant à transformer un cerveau ApoE4 en un phénotype proche de l’ApoE2 pourrait renforcer le cerveau dans le combat contre la maladie d'Alzheimer ».
Une thérapie par aspirine faible dose contre Alzheimer ?
Un traitement par aspirine à faible dose pourrait-il être bénéfique dans la maladie d’Alzheimer ? Une étude sur un modèle murin de cette maladie montre que l’aspirine à faible dose augmente la biogenèse des lysosomes dans les cellules cérébrales, et majore ainsi l’élimination des plaques amyloïdes dans le cerveau. « Il nous faut maintenant transférer ces résultats à la clinique et évaluer l’aspirine faible dose chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer », précise au « Quotidien » le Dr Kalipada Pahan (Centre médical universitaire de Rush, à Chicago, États-Unis), signataire principale d’une étude publiée également dans le « Journal of Neuroscience ».
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