Le virus du chikungunya provoque une polyarthrite sévère aiguë et chronique, pour laquelle il n’y a pas de traitement approuvé. Deux études montrent que des immunomodulateurs (abatacept ou fingolimod) indiqués pour des maladies auto-immunes peuvent soulager les arthralgies dans un modèle murin. Des essais cliniques sont en vue.
Douleurs articulaires intenses
Chikungunya signifie en langue makondée « marcher courbé », la posture adoptée par les malades qui souffrent d’intenses douleurs articulaires. Cet arbovirus cible en effet les articulations et provoque une fièvre et des douleurs articulaires symétriques aiguës (touchant principalement les extrémités mais aussi les genoux), lesquelles peuvent dans jusqu’à 20 à 60 % des cas perdurer sur un mode chronique pendant plusieurs mois, voire années, évoquant une polyarthrite rhumatoïde séronégative.
Les études publiées dans « Science Translational Medicine » suggèrent que les traitements immunomodulateurs ciblant les cellules T soulagent les arthralgies aiguës liées à l’infection CHIKV.
Miner et coll. de l’université médicale de Washington à St Louis (États-Unis) ont évalué dans un modèle murin d’infection CHIKV (inoculation virale sous-cutanée chez une souris jeune) 8 médicaments antirhumatismaux modificateurs de la maladie (DMARD) qui sont déjà approuvés pour la polyarthrite rhumatoïde. Ils ont découvert que l’abatacept (CLTA4-Ig) et le tofacinib (inhibiteur de JAK), administrés 3 jours après l’infection, atténuent nettement le gonflement articulaire aigu. En étudiant de plus près l’abatacept, les chercheurs montrent que celui-ci bloque l’activation des cellules T dans les ganglions et diminue leur nombre dans les articulations, sans pour autant accroître la réplication du virus CHIKV dans les articulations.
L’abatacept réduit en outre les molécules et cellules inflammatoires dans les articulations. Par ailleurs, les chercheurs ont évalué la combinaison de l’immunomodulateur abatacept et d’un antiviral – un anticorps monoclonal humain neutralisant le CHIKV – et ont observé un meilleur soulagement encore de l’arthrite aiguë comparé à l’abatacept seul.
Rôle néfaste des cellules T
Dans une étude complémentaire, Teo et coll. (A*STAR à Singapour) ont confirmé le rôle néfaste des cellules T de l’hôte dans la polyarthrite aiguë liée au CHIKV, puisque les souris dépourvues en cellules T ne développent pas d’arthrite après infection CHIKV.
Lorsqu’ils ont évalué plusieurs immunosuppresseurs dans le modèle murin, seul le fingolimod (ou FTY720) s’est avéré atténuer la pathologie articulaire aiguë, ceci en bloquant la migration des cellules T CD4 à partir des ganglions vers les sites d’infection articulaire. Le fingolimod, un analogue structurel de la sphingosine qui induit une internalisation des récepteurs de sphingosine, est utilisé en clinique pour traiter la sclérose en plaques.
Ces deux études ouvrent la voie à des essais cliniques. L’équipe de Miner et coll. envisage de débuter un essai au Brésil. « Puisque dans les premières semaines, les patients sont vraiment malades, avec une fièvre élevée et de grandes douleurs articulaires, ce sera un réel bénéfice pour les patients si les futures études montrent que cette association thérapeutique est efficace chez l’homme », estime le Dr Michael Diamond (Université médicale de Washington, à St Louis).
La prochaine étape « sera d’évaluer si le traitement abatacept (CLTA4-Ig) peut aussi améliorer la phase chronique de la maladie chez des souris plus âgées, afin d’offrir la possibilité d’un bénéfice chez les patients souffrant d’arthralgie débilitante récurrente due au CHIKV », commentent les chercheurs français Philippe Gasque et Marie Christine Jaffar-Banjee (INSERM, CNRS, Université de La Réunion). Ils estiment que ces traitements par médicament cible (fingolimod) et immunothérapie (abatacept) « ont de fortes chances d’offrir des options réelles et bénéfiques pour la plupart des patients souffrant du chikungunya ».
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